Décision judiciaire de Conseil d'Etat, 1 mars 2013 (cas Conseil d'État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 01/03/2013, 340859)

Date de Résolution 1 mars 2013
JuridictionCouncil of State (France)
Nature Décision

Vu, 1° sous le n° 340859, la requête, enregistrée le 24 juin 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la société Roozen France et la SCI des Serres, dont les sièges sont Zone horticole du Bugey à Saint-Vulbas (01150) ; les sociétés requérantes demandent au Conseil d'Etat :

  1. ) d'annuler le décret n° 2010-402 du 23 avril 2010 autorisant Électricité de France à créer, sur le territoire de la commune de Saint-Vulbas (département de l'Ain), une installation nucléaire de base dénommée Installation de conditionnement et d'entreposage de déchets activés (ICEDA) ;

  2. ) d'enjoindre à l'Etat de produire tous les documents et avis relatifs aux modifications apportées à la demande d'autorisation initialement déposée par Électricité de France le 29 septembre 2005 ;

  3. ) de mettre à la charge de l'Etat le versement à chacune d'entre elles de la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

    Vu, 2° sous le n° 340957, la requête, enregistrée le 28 juin 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la CRIIRAD, dont le siège est au 471, avenue Victor Hugo à Valence (26000), l'Association hiéroise pour la défense de l'environnement, dont le siège est à la Mairie de Hières-sur-Amby (38118), l'association Sortir du nucléaire Cornouaille, dont le siège est au 53, impasse de l'Odet à Quimper (29000), le CRILAN, dont le siège est au 10, route d'Etang-Val aux Pieux (50340), l'association Médiane, dont le siège est à la maison de la culture et des associations, rue Résini au Pertuis (84120), l'association Vivre dans les monts d'Arrée, dont le siège est CAL, route de Berrien à Huelgoat (29690) et l'association Bretagne Vivante - SEPNB, dont le siège est à Brest (29000) ; la CRIIRAD et autres demandent au Conseil d'Etat :

  4. ) d'annuler le même décret ;

  5. ) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

    ....................................................................................

    Vu les autres pièces des dossiers ;

    Vu la convention d'Aarhus sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement ;

    Vu la directive 85/337/CEE du Conseil du 27 juin 1985 ;

    Vu la directive 97/11/CE du Conseil du 3 mars 1997 ;

    Vu la directive 2003/35/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 mai 2003 ;

    Vu le code de l'environnement ;

    Vu la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 ;

    Vu la loi n° 2005-1319 du 26 octobre 2005 ;

    Vu la loi n° 2006-686 du 13 juin 2006 ;

    Vu la loi n° 2006-739 du 28 juin 2006 ;

    Vu le décret n° 63-1228 du 11 décembre 1963 ;

    Vu le décret n° 85-453 du 23 avril 1985 ;

    Vu le décret n° 95-540 du 4 mai 1995 ;

    Vu le décret n° 2006-629 du 30 mai 2006 ;

    Vu le décret n° 2007-1557 du 2 novembre 2007 ;

    Vu le décret n° 2009-496 du 30 avril 2009 ;

    Vu le code de justice administrative ;

    Après avoir entendu en séance publique :

    - le rapport de M. Didier Ribes, Maître des Requêtes,

    - les observations de la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de la société Roozen France et de la SCI des Serres, de Me Brouchot, avocat de la CRIIRAD, de l'Association hiéroise pour la défense de l'environnement, de l'association Sortir du nucléaire Cornouaille, du CRILAN, de l'association Médiane, de l'association Vivre dans les monts d'Arrée et de l'association Bretagne Vivante - SEPNB, et de la SCP Coutard, Munier-Apaire, avocat d'Electricité de France ;

    - les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public ;

    La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de la société Roozen France et de la SCI des Serres, à Me Brouchot, avocat de la CRIIRAD, de l'Association hiéroise pour la défense de l'environnement, de l'association Sortir du nucléaire Cornouaille, du CRILAN, de l'association Médiane, de l'association Vivre dans les monts d'Arrée et de l'association Bretagne Vivante - SEPNB, et à la SCP Coutard, Munier-Apaire, avocat d'Electricité de France ;

    1. Considérant que les requêtes n° 340859 et 340957 sont dirigées contre le même décret ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

      Sur l'absence de saisine de la Commission nationale du débat public :

    2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du premier alinéa du I de l'article L. 121-8 du code de l'environnement : " La Commission nationale du débat public est saisie de tous les projets d'aménagement ou d'équipement qui, par leur nature, leurs caractéristiques techniques ou leur coût prévisionnel, tel qu'il peut être évalué lors de la phase d'élaboration, répondent à des critères ou excèdent des seuils fixés par décret en Conseil d'Etat " ; qu'en vertu de l'article R. 121-2 du même code, pris pour l'application de ces dispositions, cette commission est saisie de plein droit de la création d'une installation nucléaire de base consistant en un nouveau site hors production électro-nucléaire correspondant à un investissement d'un coût supérieur à 300 millions d'euros ; que, contrairement à ce qui est soutenu, le coût pris en compte pour apprécier le respect de ces dispositions n'a pas à inclure le fonctionnement ultérieur de l'installation ; qu'il résulte de l'instruction que le coût estimé de la construction de l'installation nucléaire de base dénommée Installation de conditionnement et d'entreposage de déchets activés (ICEDA) sur le site de Bugey, tel qu'il pouvait raisonnablement être estimé lors de l'élaboration du projet, est inférieur à 300 millions d'euros ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la Commission nationale du débat public aurait dû être saisie du projet en vertu des dispositions précitées doit être écarté ;

    3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du II du même article L. 121-8, dans sa rédaction alors en vigueur : " En outre, les projets appartenant aux catégories définies en application du I mais dont le coût prévisionnel est d'un montant inférieur au seuil fixé en application du I, et qui répondent à des critères techniques ou excèdent des seuils fixés par décret en Conseil d'Etat pour chaque nature de projet, sont rendus publics par leur maître d'ouvrage ou par la personne responsable du projet, qui en publie les objectifs et les caractéristiques essentielles. / En ce cas, la commission peut être saisie par le maître d'ouvrage ou la personne publique responsable du projet et par dix parlementaires ; elle peut également être saisie par un conseil régional, un conseil général, un conseil municipal ou un établissement public de coopération intercommunale ayant une compétence en matière d'aménagement de l'espace, territorialement intéressés ou par l'une des associations agréées de protection de l'environnement mentionnées à l'article L. 141-1 exerçant leur activité sur l'ensemble du territoire national (...) " ; que, s'il résulte de l'instruction que le coût prévisionnel de l'ICEDA pouvait être estimé en 2006 à 240 millions d'euros, soit un montant supérieur au seuil de 150 millions d'euros fixé à l'article R. 121-2 pour l'application du II de l'article L. 121-8, il résulte des termes mêmes de ces dispositions que, contrairement à ce que soutiennent les sociétés requérantes, la saisine de la Commission nationale du débat public n'était pas de droit du seul fait du dépassement de ce seuil ;

    4. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 121-10 du même code : " Le ministre chargé de l'environnement, conjointement avec le ministre intéressé, peut saisir la Commission nationale du débat public en vue de l'organisation d'un débat public portant sur des options générales d'intérêt national en matière d'environnement, de développement durable ou d'aménagement " ; qu'il résulte des termes mêmes de ces dispositions que le ministre n'était pas tenu de saisir la Commission nationale du débat public sur leur fondement ; que, dès lors que la saisine de cette commission n'était pas obligatoire, le choix du ministre de ne pas faire usage de la faculté que ces dispositions lui ouvrent relève de sa libre appréciation et ne saurait entacher d'irrégularité la procédure préalable à l'édiction du décret attaqué ;

    5. Considérant, en quatrième lieu, que l'annexe I de la convention d'Aarhus du 25 juin 1998 sur l'accès à l'information, la participation du public aux processus décisionnels et l'accès à la justice en matière d'environnement vise, au nombre des projets dont elle exige qu'ils soient soumis à une procédure de participation du public, les " installations destinées exclusivement au stockage (prévu pour plus de dix ans) de combustibles nucléaires irradiés ou de déchets radioactifs dans un site différent du site de production " ; que si l'ICEDA doit être regardée comme étant au nombre des installations visées par ces stipulations, celles-ci n'ont pas pour effet d'imposer que la création de telles installations soit soumise à la procédure prévue par les articles L. 121-1 et suivants du code de l'environnement ;

      Sur le moyen tiré de ce que le public n'aurait pas été informé du projet ni mis à même de participer au processus décisionnel à un stade précoce de la procédure :

    6. Considérant qu'il résulte des dispositions combinées de l'article 4 et de l'annexe I de la directive 85/337/CEE du 27 juin 1985 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement, dans sa rédaction issue de la directive du Conseil 97/11/CE du 3 mars 1997, que les " installations destinées exclusivement au stockage (prévu pour plus de dix ans) de combustibles nucléaires irradiés ou de déchets radioactifs dans un site différent du site de production " sont soumises à une évaluation conformément aux articles 5 à 10 de la directive ; que la création de l'ICEDA relève du champ d'application de ces dispositions, l'entreposage de déchets activés pour une durée de plusieurs décennies devant être regardé comme un " stockage de déchets...

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