Conseil d'État, , 10/07/2020, 441549, Inédit au recueil Lebon

Judgement Number441549
Date10 juillet 2020
Record NumberCETATEXT000042143162
CourtCouncil of State (France)

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 1er et 9 juillet 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. E... I..., M. H... F..., l'association Victimes Coronavirus Covid-19 France, M. D... A..., Mme G... B..., M. K... C..., l'association Ametist, l'association Vaincre Lyme et l'association LNPLV demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'ordonner la suspension de l'exécution de l'article 6-2 de l'arrêté du ministre des solidarités et de la santé du 23 mars 2020 prescrivant les mesures d'organisation et de fonctionnement du système de santé nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, créé par arrêté du 26 mai 2020 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Ils soutiennent que :
- la condition d'urgence est remplie, dès lors que l'évolution de la situation épidémique de laquelle a résulté la mise en oeuvre de l'état d'urgence sanitaire ne justifie plus qu'il soit porté atteinte aux libertés fondamentales ;
- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté de prescription du médecin, au droit au respect de la vie et au droit de recevoir les traitements et les soins appropriés à son état de santé dès lors que les dispositions contestées, d'une part, sont entachées d'incompétence puisque seul le Premier ministre peut, en application de l'article L. 3131-15 du code de la santé publique, limiter les conditions dans lesquelles un médicament est mis à disposition des patients dans le cadre de l'épidémie de covid-19, et d'autre part, méconnaissent l'habilitation donnée au ministre de la santé par l'article L. 3131-16 du même code, qui ne permet pas de porter atteinte aux dispositions législatives protégeant la liberté de prescription des médecins, que limitent les restrictions à la dispensation de la spécialité Plaquenil, décidées au motif de tensions sur l'approvisionnement, et qui est limitée aux mesures réglementaires visant à mettre fin à la catastrophe sanitaire.
Par deux mémoires distincts et un mémoire complémentaire, enregistrés les 1er et 9 juillet 2020, présentés en application de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958, M. I... et les autres requérants demandent au Conseil d'Etat, à l'appui de leur requête, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article L. 3131-16 du code de la santé publique.
Ils soutiennent que :
-cet article est applicable au litige, les dispositions contestées de l'arrêté du 23 mars 2020 ayant été prises sur son fondement ;
-qu'il n'a jamais été déclaré conforme à la Constitution ;
- que la question posée présente un caractère nouveau, l'article L. 3131-16 étant contraire à la liberté de prescription du médecin, dont le Conseil constitutionnel n'a pas encore jugé si elle a valeur constitutionnelle ;
- que l'article L. 3131-16, tel qu'interprété par le Conseil d'Etat, viole le principe de séparation des pouvoirs et révèle une méconnaissance par le législateur de sa propre compétence, la liberté de prescription du médecin et le droit à la protection de la santé s'en trouvant affectés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 juillet 2020, le ministre des solidarités et de la santé conclut au rejet de la requête. Il soutient que les dispositions attaquées ne portent aucune atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 juillet 2020, le ministre des solidarités et de la santé conclut qu'il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée, dès lors notamment que la liberté invoquée n'est pas au nombre des droits et libertés que la Constitution garantit et que la question posée ne présente pas de caractère sérieux.
La requête a été communiquée au Premier ministre qui n'a pas produit d'observations.
Les parties ont été informées, sur le fondement de l'article 9 de l'ordonnance du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif, de ce qu'aucune audience ne se tiendrait et de ce que la clôture de l'instruction serait fixée le 9 juillet 2020 à 14 heures.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la Constitution, notamment son article 61-1 ;
- le code de la santé publique ;
- la loi n°2020-290 du 23 mars 2020 ;
- la loi n°2020-546 du 11 mai 2020 ;
- le décret n°2020-260 du 16 mars 2020 ;
- le décret n°2020-293 du 23 mars 2020 ;
- le décret n° 2020-337du 26 mars 2020
- le décret n°2020-545 du 11 mai 2020 ;
- le décret n°2020-548 du 11 mai 2020 ;
- le décret n° 2020-630 du 26 mai 2020 ;
- le décret n° 2020-663 du 31 mai 2020 ;
- le code de justice administrative ;





Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la...

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