Conseil d'État, 10ème - 9ème chambres réunies, 26/07/2018, 394922

Judgement Number394922
Date26 juillet 2018
Record NumberCETATEXT000037253930
CounselSCP SPINOSI, SUREAU
CourtCouncil of State (France)
1° Sous le numéro 394922, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et trois autres mémoires, enregistrés le 30 novembre 2015, le 29 février 2016 et le 6 mai 2016, le 13 novembre 2017 et le 10 juillet 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Quadrature du Net, French Data Network et la Fédération des fournisseurs d'accès à internet associatifs demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2015-1185 du 28 septembre 2015 portant désignation des services spécialisés de renseignement ;

2°) à titre subsidiaire, de renvoyer à la Cour de justice de l'Union européenne plusieurs questions préjudicielles ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Sous le numéro 394925, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et trois autres mémoires, enregistrés le 30 novembre 2015, le 29 février 2016 et le 6 mai 2016, le 13 novembre 2017 et le 10 juillet 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Quadrature du Net, French Data Network et la Fédération des fournisseurs d'accès à internet associatifs demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2015-1211 du 1er octobre 2015 relatif au contentieux de la mise en oeuvre des techniques de renseignement soumises à autorisation et des fichiers intéressant la sûreté de l'Etat ;

2°) à titre subsidiaire, de renvoyer à la Cour de justice de l'Union européenne plusieurs questions préjudicielles ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

3° Sous le numéro 397844, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et deux autres mémoires, enregistrés le 11 mars 2016, le 6 mai 2016, le 13 novembre 2017 et le 10 juillet 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Igwan.net demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2015-1639 du 11 décembre 2015 relatif à la désignation des services autres que les services spécialisés de renseignement, autorisés à recourir aux techniques mentionnées au titre V du livre VIII du code de la sécurité intérieure, pris en application de l'article L. 811-4 ;
2°) à titre subsidiaire, de renvoyer à la Cour de justice de l'Union européenne plusieurs questions préjudicielles ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

4° Sous le numéro 397851, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et deux autres mémoires, enregistrés le 11 mars 2016, le 19 mai 2016, le 24 novembre 2017 et le 10 juillet 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Quadrature du Net, French Data Network et la Fédération des fournisseurs d'accès à internet associatifs demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2016-67 du 29 janvier 2016 relatif aux techniques de recueil de renseignement ;

2°) à titre subsidiaire, de renvoyer à la Cour de justice de l'Union européenne plusieurs questions préjudicielles ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................


Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et ses articles 61-1 et 62 ;
- le traité sur l'Union européenne ;
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention du 23 novembre 2001 sur la cybercriminalité ;
- la directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 ;
- la directive 2002/58/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 juillet 2002 ;
- le code de la sécurité intérieure, notamment son livre VIII ;
- la décision du Conseil constitutionnel n° 2016-590 QPC du 21 octobre 2016 ;
- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Vincent Villette, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Edouard Crépey, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Spinosi, Sureau, avocat de la Quadrature du Net, de French Data Network et de la Fédération des fournisseurs d'accès à internet associatifs ;




Considérant ce qui suit :

1. Par trois requêtes, La Quadrature du Net, French Data Network et la Fédération des fournisseurs d'accès à internet associatifs demandent l'annulation pour excès de pouvoir, sous le numéro 394922 du décret du 28 septembre 2015 portant désignation des services spécialisés de renseignement, sous le numéro 394925 du décret du 1er octobre 2015 relatif au contentieux de la mise en oeuvre des techniques de renseignement soumises à autorisation et des fichiers intéressant la sûreté de l'Etat, et sous le numéro 397851 du décret du 29 janvier 2016 relatif aux techniques de recueil de renseignement. L'association Igwan.net, sous le numéro 397844, demande l'annulation du décret du 11 décembre 2015 relatif à la désignation des services autres que les services spécialisés de renseignement, autorisés à recourir aux techniques mentionnées au titre V du livre VIII du code de la sécurité intérieure, pris en application de l'article L. 811-4 du code de la sécurité intérieure. Ces requêtes présentent à juger les mêmes questions. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

Sur les moyens de légalité externe :

2. Lorsque, comme en l'espèce, un décret doit être pris en Conseil d'Etat, le texte retenu par le Gouvernement ne peut être différent à la fois du projet qu'il a soumis au Conseil d'Etat et du texte adopté par ce dernier. Il ressort des copies des minutes de la section de l'intérieur du Conseil d'Etat, telles qu'elles ont été produites au dossier par le Premier ministre, que le texte des quatre décrets attaqués ne contient pas de disposition qui diffèrerait à la fois du projet initial du Gouvernement et du texte adopté par la section. Il s'ensuit que les moyens tirés de la méconnaissance des règles qui gouvernent l'examen par le Conseil d'Etat des projets de décret doivent être écartés.

Sur les moyens de légalité interne :

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 851-1 du code de la sécurité intérieure par le décret du 29 janvier 2016 relatif aux techniques de recueil de renseignement :

3. Les dispositions de l'article R. 851-5 du code de la sécurité intérieure créées par le décret du 29 janvier 2016 relatif aux techniques de recueil de renseignement qui définissent les données de connexion susceptibles d'être recueillies auprès des opérateurs de communications électroniques excluent des données ainsi recueillies le contenu des correspondances échangées ou des informations consultées. En outre, ces dispositions réservent le recueil de certaines de ces données aux seules techniques de renseignement prévues aux articles L. 851-2 et L. 851-3 du code de la sécurité intérieure, lesquelles ne sont mises en oeuvre que pour les seuls besoins de la prévention du terrorisme. Ce faisant, contrairement à ce que soutiennent les associations requérantes, ces dispositions réglementaires ne méconnaissent pas les dispositions de l'article L. 851-1 du même code pour l'application desquelles elles ont été prises.

En ce qui concerne les moyens invoqués par la voie de l'exception :

4. A l'appui de leurs conclusions, les requérants soulèvent des moyens, par la voie de l'exception, à l'encontre de l'ensemble des dispositions du livre VIII du code de la sécurité intérieure, de celles du chapitre III bis du titre VII du livre VII du code de justice administrative et de celles de l'article 323-8 du code pénal.

S'agissant du moyen tiré de la contrariété à la Constitution de l'article L. 811-5 du code de la sécurité intérieure :

5. Par sa décision n° 2016-590 QPC du 21 octobre 2016, le Conseil constitutionnel a déclaré l'article L. 811-5 du code de la sécurité intérieure contraire au droit au respect de la vie privée et au secret des correspondances résultant de l'article 2 de la Déclaration de 1789. Le dispositif de cette décision énonce que la déclaration d'inconstitutionnalité prend effet dans les conditions prévues aux paragraphes 11 et 12. Aux termes de ces paragraphes : " L'abrogation immédiate de l'article L. 811-5 du code de la sécurité...

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