Conseil d'État, 3ème - 8ème chambres réunies, 28/09/2017, 409770, Publié au recueil Lebon

Date28 septembre 2017
Judgement Number409770
Record NumberCETATEXT000035670684
CounselSCP PIWNICA, MOLINIE ; HAAS
CourtCouncil of State (France)

Vu la procédure suivante :

Par une requête, un mémoire en réplique et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 13 avril, 30 juin, 12 juillet et 28 août 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Altice Luxembourg et la société SFR Group demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision n° 17-D-04 du 8 mars 2017 de l'Autorité de la concurrence relative au respect de l'engagement figurant dans la décision autorisant l'acquisition de SFR par le groupe Altice relatif à l'accord conclu avec la société Bouygues Telecom le 9 novembre 2010 ;

2°) de mettre à la charge de l'Autorité de la concurrence la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de commerce ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Pierre Lombard, auditeur,

- les conclusions de M. Vincent Daumas, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société Altice Luxembourg et de la société SFR Group et à Me Haas, avocat de la société Bouygues Telecom ;




Considérant ce qui suit :

1. Il résulte de l'instruction que, par une décision n° 14-DCC-160 du 30 octobre 2014, l'Autorité de la concurrence a autorisé la prise de contrôle exclusif de la société SFR par la société Numericable, filiale du groupe Altice. Cette autorisation était subordonnée à la réalisation effective de plusieurs engagements, en particulier du groupe d'engagements n° 30 à n° 33 relatifs au respect des obligations résultant de l'accord de co-investissement dans la fibre optique en zone très dense conclu entre SFR et Bouygues Telecom le 9 novembre 2010, dit " contrat Faber ".

2. Par ce contrat, SFR et Bouygues Telecom ont décidé de construire une infrastructure, concurrente de celle de la société Numericable, laquelle repose sur la technologie du câble coaxial, pour la fourniture d'un accès internet à très haut débit. Ce contrat prévoit, d'une part, le déploiement d'un réseau horizontal en fibre optique et, d'autre part, le raccordement de ce réseau aux " points de mutualisation " pour permettre aux différents opérateurs de desservir les immeubles équipés en fibre optique (ou " adduction ") ainsi que sa maintenance. Il stipule que toutes les prestations doivent être réalisées par SFR pour le compte des deux opérateurs signataires.

3. L'Autorité de la concurrence a relevé que l'opération de concentration entre les sociétés SFR et Numericable aurait pour effet de remettre en cause l'incitation de la société SFR à respecter les obligations résultant pour elle de ce contrat dans la zone couverte par le réseau câblé de Numericable. Selon l'Autorité, SFR n'aurait plus, au sein de la nouvelle entité issue de l'opération de concentration, un intérêt suffisant à poursuivre la réalisation des adductions afin de compléter le déploiement du réseau prévu par le contrat et de permettre ainsi à Bouygues Telecom d'exercer une concurrence directe sur la nouvelle entité en zone câblée. L'Autorité a observé que la nouvelle entité avait la capacité d'empêcher, à tout le moins d'entraver, le déploiement de l'infrastructure de Bouygues Telecom en fibre optique en gelant, ou en ralentissant, l'exécution des travaux de raccordement du réseau construit en commun avec SFR.

4. Pour prévenir les effets anticoncurrentiels que l'opération de concentration présentait à cet égard et obtenir l'autorisation sollicitée, les sociétés Altice et Numericable se sont engagées, en premier lieu, à réaliser sous deux ans, sauf difficultés d'exécution dûment justifiées, les adductions prévues au contrat Faber de l'ensemble des points de mutualisation livrés à la date d'effet de la décision de l'Autorité autorisant l'opération (engagement n° 30), en deuxième lieu, à réaliser dans un délai de trois mois, sauf difficultés d'exécution dûment justifiées, les adductions commandées par Bouygues Telecom pour les immeubles pour lesquels les points de mutualisation seraient livrés après la date d'effet de la décision de l'Autorité (engagement n° 31), et, enfin, à assurer la maintenance de l'infrastructure du réseau relevant du contrat Faber de manière transparente et non-discriminatoire vis-à-vis de Bouygues Telecom (engagement n° 33).

5. Par une décision n° 15-SO-14 du 5 octobre 2015, l'Autorité s'est saisie d'office, à la suite de plusieurs plaintes de la société Bouygues Télécom, des conditions dans lesquelles Altice et Numericable-SFR mettaient en oeuvre les engagements annexés à la décision du 30 octobre 2014 relatifs au contrat Faber.

6. Par la décision n° 17 D 04 du 8 mars 2017 relative au respect de l'engagement figurant dans la décision autorisant l'acquisition de SFR par le groupe Altice relatif à l'accord conclu avec Bouygues Telecom le 9 novembre 2010, l'Autorité de la concurrence a constaté des manquements dans l'exécution des engagements n°s 30, 31 et 33, qu'elle a qualifiés de particulièrement graves et de nature à vider, dans une large mesure, ces engagements de leur portée. Elle a décidé d'infliger à Altice Luxembourg SA et SFR Group SA une sanction pécuniaire de 40 millions d'euros assortie de plusieurs injonctions sous astreinte. Les sociétés Altice Luxembourg et SFR Group demandent l'annulation de cette décision, qui leur a été notifiée le 13 mars 2017.

Sur les manquements imputés aux sociétés Altice Luxembourg et SFR Group :

En ce qui concerne l'engagement n° 30 :

7. En premier lieu, ainsi qu'il a été dit au point 4 ci-dessus, les sociétés Altice et Numericable se sont engagées à réaliser sous deux ans, sauf difficultés d'exécution dûment justifiées, les adductions prévues au contrat Faber pour l'ensemble des points de mutualisation livrés à la date d'effet de la décision de l'Autorité autorisant l'opération (engagement n° 30). Les sociétés requérantes soutiennent que les points de mutualisation ainsi mentionnés s'entendent des seuls points de mutualisation intérieurs et qu'en tenant compte, dans son appréciation de l'exécution de cet engagement, d'un défaut d'adduction de points de mutualisation autres qu'intérieurs, l'Autorité de la concurrence en a méconnu la portée.

8. Or, les stipulations du contrat Faber visent les " points de mutualisation des immeubles ", " points de mutualisation situés dans la zone de couverture " et " points de mutualisation desservis par les noeuds de raccordement optique (NRO) ", sans faire de distinction entre des types de points de mutualisation ni, a fortiori, en exclure aucun. Au contraire, l'article 4.1.1 de ce contrat précise que " La commande d'un NRO [noeud de...

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