Conseil d'État, 3ème - 8ème chambres réunies, 06/07/2016, 390457

Record NumberCETATEXT000032853054
Judgement Number390457
Date06 juillet 2016
CounselSCP MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE ; SCP LYON-CAEN, THIRIEZ ; SCP PIWNICA, MOLINIE ; SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER, TEXIDOR
CourtCouncil of State (France)
Vu la procédure suivante :

Par une décision du 15 avril 2016, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a, avant dire droit sur les requêtes enregistrées sous le n° 390047 de la société Compagnie des gaz de pétrole Primagaz (Primagaz) et sous le n° 390774 de la société Vitogaz France (Vitogaz) tendant, l'une et l'autre, à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision n° 15-DCC-53 de l'Autorité de la concurrence du 15 mai 2015 relative à la prise de contrôle exclusive de la société Totalgaz SAS par la société UGI Bordeaux Holding SAS (UGI), ordonné un supplément d'instruction aux fins d'inviter l'Autorité de la concurrence à verser au débat contradictoire, dans le délai de quinze jours à compter de sa notification, le contenu des deux engagements souscrits par les parties à l'opération de concentration et occultés dans la décision du 15 mai 2015.

Le 2 mai 2016, l'Autorité de la concurrence a produit un mémoire dans lequel elle présente le contenu de ces deux engagements et souligne leur caractère subsidiaire.




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Vu les autres pièces des dossiers, y compris celles visées par la décision du Conseil d'Etat du 15 avril 2016 ;

Vu :
- le règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil du 20 janvier 2004 ;
- le code de commerce ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Christophe Pourreau, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Vincent Daumas, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Matuchansky, Vexliard, Poupot, avocat de la compagnie des Gaz de Pétrole Primagaz, à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, Texidor, avocat de la société Ugi Bordeaux Holding, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société Total Marketing Services et à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la Société Vitogaz France ;

Une note en délibéré, enregistrée le 1er juillet 2016, a été présentée par la société Primagaz.




Considérant ce qui suit :

1. Par une lettre d'intention du 2 juillet 2014, puis par un accord de cession d'actions du 11 novembre 2014, la société UGI Bordeaux Holding (UGI), qui contrôlait déjà la société Antargaz, active dans le secteur de la distribution de gaz de pétrole liquéfié (GPL), s'est engagée à acquérir la totalité du capital de la société Totalgaz SAS (Totalgaz), laquelle fait partie du groupe Total et est également active dans ce secteur. La Commission européenne, à laquelle l'opération de concentration avait été notifiée, en a renvoyé l'examen à l'Autorité de la concurrence, qui, par une décision n° 15-DCC-53 du 15 mai 2015, l'a autorisée sous réserve de l'exécution de plusieurs engagements pris par les parties à l'opération de concentration et visant à remédier aux effets anticoncurrentiels de cette opération.

2. Les sociétés Compagnie des gaz de pétrole Primagaz (Primagaz) et Vitogaz France (Vitogaz), qui constituent, avec la société Butagaz, les principales entreprises concurrentes de l'entité issue de l'opération de concentration, demandent l'une et l'autre l'annulation pour excès de pouvoir de cette décision. Il y a lieu de joindre ces deux requêtes, dirigées contre la même décision et présentant à juger des questions semblables, pour y statuer par une seule décision.

Sur la légalité externe de la décision attaquée :

3. En premier lieu, l'Autorité de la concurrence, à laquelle une opération de concentration entrant dans le champ défini par les articles L. 430-1 et L. 430-2 du code de code commerce a été notifiée, peut, en vertu des dispositions de l'article L. 430-5 du même code, soit autoriser l'opération en la subordonnant éventuellement à la réalisation effective d'engagements pris par les parties, soit, si elle estime qu'il existe un doute sérieux d'atteinte à la concurrence, engager un examen approfondi au terme duquel elle prend une décision qui peut être d'autorisation, le cas échéant assortie d'engagements, de prescriptions ou d'injonctions, ou d'interdiction, dans les conditions prévues aux articles L. 430-6 et L. 430-7 du même code. Ces dispositions offrent aux parties à l'opération de concentration la garantie qu'une opération ne peut être autorisée sous une condition autre que l'exécution d'engagements qu'elles ont elles-mêmes proposés ou ne peut être interdite qu'à l'issue d'un examen approfondi. Les tiers ne peuvent utilement critiquer la régularité du choix de cette Autorité de prendre une décision d'autorisation assortie d'engagements pris par les parties, sans recourir à un examen approfondi. Ils peuvent, en revanche, s'ils justifient d'un intérêt leur donnant qualité pour agir et s'ils estiment que cette décision porte atteinte au maintien d'une concurrence suffisante sur les marchés qu'elle affecte, en contester le bien-fondé. Le moyen des sociétés requérantes tiré de ce que la décision attaquée serait intervenue au terme d'une procédure irrégulière au motif que l'Autorité de la concurrence n'a pas procédé à un examen approfondi de l'opération de concentration ne peut donc être accueilli.

4. En deuxième lieu, il ressort des pièces des dossiers que le renvoi de l'examen de l'opération de concentration par la Commission européenne à l'Autorité de la concurrence a fait l'objet d'un communiqué publié conformément aux dispositions des articles L. 430-3 et R. 430-4 du code de commerce, mettant les tiers intéressés par l'opération, y compris les grandes et moyennes surfaces, en mesure de faire connaître leurs observations. Le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait intervenue au terme d'une procédure irrégulière au motif que l'Autorité de la concurrence n'a pas interrogé les grandes et moyennes surfaces sur l'opération de concentration doit donc en tout état de cause être écarté.

5. En troisième lieu, ni l'article L. 430-5 du code de commerce, ni aucune autre disposition ou principe n'imposent à l'Autorité de la concurrence de transmettre un projet de décision à un tiers à une opération de concentration, aux fins de le mettre en mesure de présenter ses observations. L'engagement n° 2, relatif à la décision de la société UGI de céder à la société Butagaz une participation de 18 %, actuellement détenue par la société Totalgaz, dans le capital du groupement d'intérêt économique (GIE) Norgal, qui exploite un dépôt d'importation de GPL situé à Notre-Dame-de-Gravenchon, en Seine-Maritime, et de fixer un seuil de participation de 13,2 % pour la désignation d'un administrateur du GIE ne prive la société Vitogaz, compte tenu de la composition du conseil d'administration du GIE et de ce qu'elle détient une part du capital de ce GIE supérieure à ce seuil, d'aucun droit. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait intervenue au terme d'une procédure irrégulière au motif que la société Vitogaz n'aurait pas été en mesure de présenter des observations sur la dernière version de l'engagement n° 2 doit être écarté.

6. En quatrième lieu, par un mémoire enregistré le 2 mai 2016, l'Autorité de la concurrence a versé au débat contradictoire le contenu des deux engagements subsidiaires à l'engagement n° 2 mentionné ci-dessus et aux engagements nos 5 et 6, relatifs à la cession, totale ou partielle, par la société UGI de neuf dépôts relais ou centres emplisseurs qu'elle détient et au maintien, durant la période de cession de ces dépôts, des contrats d'échange de volumes de GPL entre distributeurs, qui avaient été occultés dans la décision attaquée, en exécution de la décision du Conseil d'Etat, statuant au contentieux du 15 avril 2016 visée ci-dessus. Il ressort de ce mémoire que, par l'engagement subsidiaire n° 3, la société UGI s'est obligée, en cas d'échec dans la réalisation de l'engagement n° 2, à céder à un opérateur actif sur les marchés de la distribution de GPL une participation de 13,4 % dans le capital du GIE Norgal, actuellement détenue par la société Totalgaz, et à ce que les statuts du GIE soient modifiés de sorte que seul un membre détenant plus de 13,2 % du capital puisse désigner un administrateur, sauf à ce que la participation soit acquise par une société membre du groupe auquel appartient la société Vitogaz, et que, par l'engagement subsidiaire n° 7, la société UGI s'est obligée, en cas d'échec total ou partiel dans la réalisation de l'engagement n° 5, à proposer, pour les dépôts relais ou centres emplisseurs non cédés, de reconduire annuellement les contrats d'échange de volumes de GPL existants pendant une période de cinq ans, renouvelable une fois par décision de l'Autorité de la concurrence, sauf en cas de fermeture de ces dépôts. Ni l'engagement n° 3, dès lors que la participation de la société Vitogaz au capital du GIE Norgal excède 13,2 %, ni l'engagement n° 7 ne sont de nature à affecter les droits des sociétés requérantes. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait intervenue au terme d'une procédure irrégulière au motif que les sociétés requérantes ne disposaient d'aucune information sur ces deux engagements subsidiaires et n'avaient pas été en mesure de présenter des observations doit en tout état de cause être écarté.

7. Les moyens tirés de ce que la décision de l'Autorité de la concurrence serait intervenue au terme d'une procédure irrégulière doivent donc être tous écartés.

Sur l'analyse concurrentielle :

8. Il appartient à l'Autorité de la concurrence saisie d'une opération de concentration, à partir d'une analyse prospective tenant compte de l'ensemble des données pertinentes et se fondant sur un scénario économique plausible, de caractériser les effets anticoncurrentiels de l'opération et d'apprécier si ces effets sont de nature à porter atteinte au maintien d'une concurrence suffisante sur les marchés qu'elle affecte.

9. En l'espèce, l'Autorité de la concurrence a distingué quatre marchés de produits : la distribution de GPL combustible en moyen et gros vrac, à des clients dont la consommation...

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