Conseil d'État, 6ème et 5ème chambres réunies, 30/01/2019, 401681, Inédit au recueil Lebon

Judgement Number401681
Date30 janvier 2019
Record NumberCETATEXT000038077303
CourtCouncil of State (France)
1° Sous le n° 401681, par une requête, enregistrée le 20 juillet 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, M. B...A...demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 relatif à la justice prud'homale et au traitement judiciaire du contentieux du travail ;

2°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Sous le n° 401709, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 21 juillet et 21 octobre 2016 et le 6 octobre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, la Confédération Générale du Travail demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le même décret ;

2°) de mettre à la charge de l'État une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


....................................................................................

3° Sous le n° 401713, par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 21 juillet et 21 octobre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, le Syndicat des avocats de France demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le même décret ;

2°) de mettre à la charge de l'État une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


....................................................................................

4° Sous le n° 401742, par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 22 juillet et 24 octobre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, le Conseil national des barreaux demande au Conseil d'État d'annuler pour excès de pouvoir le même décret.


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5° Sous le n° 401778, par une requête, enregistrée le 22 juillet 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, l'Union départementale des syndicats Force Ouvrière d'Indre-et-Loire demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le même décret ;

2°) de mettre à la charge de l'État une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


....................................................................................

6° Sous le n° 401790, par une requête, enregistrée le 25 juillet 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, le Syndicat national C.G.T. des Chancelleries et services judiciaires demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le même décret ;

2°) de mettre à la charge de l'État une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



....................................................................................

7° Sous le n° 401793, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 25 juillet et 25 octobre 2016 et le 5 juillet 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, l'Union syndicale Solidaires, le Syndicat des salariés des hôtels de prestige et économiques CGT, l'Union des syndicats anti-précarité, la Confédération nationale des travailleurs solidarité ouvrière et le Syndicat des travailleurs corses demandent au Conseil d'État :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le même décret ;

2°) de mettre à la charge de l'État une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



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Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule ;
- la convention n° 87 de l'Organisation internationale du travail (OIT) du 9 juillet 1948 sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical adoptée à San Francisco lors de la trente et unième session de la conférence internationale du travail, ratifiée le 28 juin 1951 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs ;
- la charte sociale européenne révisée ;
- le code général des impôts ;
- le code de procédure civile ;
- le code du travail ;
- la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 ;
- la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le décret n° 2011-184 du 15 février 2011 ;
- le décret n° 2017-1008 du 10 mai 2017 ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Didier Ribes, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Louis Dutheillet de Lamothe, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat de la Confédération Générale du Travail et du Syndicat des avocats de France, à Me Le Prado, avocat du Conseil national des barreaux et à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de l'Union syndicale Solidaires et autres.




Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes visées ci-dessus sont dirigées contre le même décret du 20 mai 2016 relatif à la justice prud'homale et au traitement judiciaire du contentieux du travail. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

Sur les interventions au soutien des conclusions de la requête n° 401793 :

2. Le Syndicat pour la défense des postiers et le Syndicat des employés du commerce et des interprofessionnels justifient d'un intérêt suffisant à l'annulation du décret attaqué. Ainsi, leurs interventions au soutien de la requête de l'Union syndicale Solidaires et autres sont recevables.

Sur les conclusions à fin d'annulation du décret attaqué :

En ce qui concerne la légalité externe du décret :

3. En premier lieu, aux termes de l'article 65 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Il est créé un Conseil national de l'aide juridique chargé de recueillir toutes informations quantitatives et qualitatives sur le fonctionnement de l'aide juridictionnelle et de l'aide à l'accès au droit et de proposer aux pouvoirs publics toutes mesures propres à l'améliorer, de faire aux conseils départementaux de l'accès au droit des suggestions en vue de développer et d'harmoniser les actions menées localement, d'établir chaque année un rapport sur l'activité d'aide juridique, au vu des rapports des conseils départementaux sur l'aide juridictionnelle et sur l'aide à l'accès au droit dans leur ressort. Ce rapport est publié. (...) ". L'article 133 du décret du 19 décembre 1991 portant application de cette loi précise : " Le Conseil national de l'aide juridique est consulté sur les projets de loi et de décret relatifs à l'aide juridictionnelle, à l'aide à l'accès au droit, et aux aides à l'intervention de l'avocat prévues par les dispositions de la troisième partie de la loi du 10 juillet 1991 susvisée ".

4. Si l'instauration, par l'article 29 du décret attaqué, de la représentation obligatoire devant la chambre sociale de la cour d'appel en cas d'appel d'un jugement du conseil de prud'hommes a pour conséquence, par application des dispositions du décret du 19 décembre 1991, d'affecter le montant de la rétribution des avocats intervenant au titre de l'aide juridictionnelle dans une telle procédure, le décret attaqué n'a ni pour objet, ni pour effet de modifier les règles relatives à l'aide juridictionnelle, à l'aide à l'accès au droit et aux aides à l'intervention de l'avocat prévues par les dispositions de la troisième partie de la loi du 10 juillet 1991. Dès lors, le moyen tiré de l'irrégularité du décret attaqué en raison du défaut de consultation préalable du Conseil national de l'aide juridique doit être écarté.

5. En deuxième lieu, ni l'article 21-1 de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, qui dispose que " le Conseil national des barreaux (...) est chargé de représenter la profession d'avocat notamment auprès des pouvoirs publics ", ni aucun autre texte législatif ou réglementaire n'imposait sa consultation. Au demeurant, il ressort des pièces du dossier que le Conseil national des barreaux a été consulté par le garde des sceaux, ministre de la justice sur le projet de décret. Dès lors, le moyen tiré de ce que l'absence d'une telle consultation entacherait ce décret d'illégalité ne peut qu'être écarté.

6. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que les avis, visés par le décret, du Conseil supérieur de la prud'homie et du comité technique spécial de service placé auprès du directeur des services judiciaires, ont été effectivement recueillis. Si l'Union syndicale Solidaires et autres soutiennent que ces consultations seraient irrégulières, ils n'assortissent pas leur moyen des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.

7. En quatrième lieu, un organisme dont une disposition législative ou réglementaire prévoit la consultation avant l'intervention d'une décision doit être mis à même d'exprimer son avis sur l'ensemble des questions soulevées par cette décision. Dans le cas où, après avoir recueilli son avis, l'autorité compétente pour prendre la décision envisage d'apporter à son projet des modifications qui posent des questions nouvelles, elle doit le consulter à nouveau. Il ressort des pièces du dossier que si le projet de décret soumis au Conseil supérieur de la prud'homie en application de l'article R. 1431-3 du code du travail a été ultérieurement modifié, afin d'ailleurs de tenir compte de l'avis émis par cet organisme, ces modifications ne posaient pas de question nouvelle qui aurait rendu nécessaire une nouvelle consultation.

8. En cinquième lieu, contrairement à ce que soutient l'Union départementale des syndicats Force Ouvrière d'Indre-et-Loire, le décret attaqué a précisé les règles de procédure spécifiquement...

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