Conseil d'État, 6ème - 1ère chambres réunies, 19/05/2017, 396698

Record NumberCETATEXT000034797211
Judgement Number396698
Date19 mai 2017
CounselSCP OHL, VEXLIARD ; SCP WAQUET, FARGE, HAZAN ; SCP PIWNICA, MOLINIE
CourtCouncil of State (France)
Vu les procédures suivantes :

1° Sous le n° 396698, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire, et un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 3 février, 3 mai, 4 octobre et 16 décembre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Virtu Financial Europe Limited demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 4 décembre 2015 de la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers (AMF) en tant qu'elle lui a infligé une sanction pécuniaire d'un montant de 5 millions d'euros et qu'elle a ordonné la publication de sa décision sur le site internet de l'Autorité des marchés financiers ;

2°) de mettre à la charge de l'AMF la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

3°) d'enjoindre à l'AMF de supprimer la décision publiée de son site internet et d'y publier la décision du Conseil d'Etat dans les mêmes conditions que celles de la décision annulée.


2° Sous le n° 396826, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 8 février 2016, 9 mai 2016, 26 octobre 2016 et 17 février 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Euronext Paris demande au Conseil d'Etat :

1°) à titre principal, d'annuler la décision du 4 décembre 2015 de la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers en tant qu'elle a prononcé une sanction pécuniaire de 5 millions d'euros à son encontre et qu'elle a ordonné la publication de sa décision sur le site internet de l'Autorité des marchés financiers ;

2°) à titre subsidiaire, de réduire le montant de la sanction pécuniaire qui lui a été infligée ;

3°) de mettre à la charge de l'Autorité des marchés financiers la somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


....................................................................................


Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la directive 2003/6/CE du Parlement européen et du Conseil ;
- la directive 2004/72/CE du 29 avril 2004 du Parlement européen et du Conseil ;
- le code monétaire et financier ;
- le règlement général de l'Autorité des marchés financiers ;
- la décision du 22 juillet 2016 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a jugé qu'il n'y avait pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la société Euronext Paris SA ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Baptiste de Froment, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Louis Dutheillet de Lamothe, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société Virtu Financial Europe Limited, à la SCP Ohl, Vexliard, avocat de l'Autorité des marchés financiers, et à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la société Euronext Paris ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 27 avril 2017, présentée par la société Euronext Paris ;




1. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Euronext Paris est une entreprise de marché, qui est en charge de la gestion du marché réglementé Euronext ; qu'afin d'éviter la saturation de sa plateforme électronique, elle a institué un ratio, alors fixé à 100 pour 1, entre le nombre d'ordres passés et le nombre de transactions effectivement exécutées pour un même titre sur une même journée, au-delà duquel une pénalité financière était appliquée ; qu'entre mars 2009 et juin 2010, elle a exempté la société Madison Tyler Europe Limited (MTE), devenue Virtu Financial Europe Limited, qui est spécialisée dans le " trading à haute fréquence ", de toute pénalité en cas de dépassement de ce ratio ; que cette dernière société a mis en place des programmes informatiques dits algorithmiques permettant de procéder à des arbitrages ultra-rapides entre cinq plateformes de négociation, dont Euronext et quatre plateformes alternatives ; que la stratégie d'arbitrage consistait, pour un titre donné, à identifier le meilleur prix affiché à l'achat ou à la vente sur l'une de ces plateformes pour y passer un " ordre support ", à passer ensuite, pour une même quantité, quatre ordres dits " passifs " sur les autres plateformes, à un cours légèrement inférieur ou supérieur, selon que l'ordre était à l'achat ou à la vente, et à attendre l'exécution de l'un de ces ordres, dans un intervalle de temps extrêmement bref, afin de réaliser une plus-value égale à la différence de cours entre l'ordre support et l'ordre passif effectivement exécuté ; que, constatant que MTE émettait à très haute fréquence des ordres dont seule une faible proportion était exécutée, mais qui représentaient une part très significative du carnet d'ordres, le secrétaire général de l'Autorité des marchés financiers (AMF) a ouvert une enquête sur les interventions de cette société concernant 27 titres du CAC 40 ; qu'à l'issue de cette enquête, l'AMF a notifié, d'une part, à la société MTE des griefs de manipulation de cours, sur le fondement des articles L. 621-15 du code monétaire et financier et 631-1 et 631-2 du règlement général de l'AMF, et de méconnaissance de ses obligations professionnelles, sur le fondement de l'article 8105/1 des règles de marché d'Euronext, et, d'autre part, à la société Euronext Paris, le grief tiré du manquement à son obligation d'exercer son activité avec neutralité et impartialité, dans le respect de l'intégrité du marché, pour avoir accordé un avantage commercial de façon discrétionnaire à l'un de ses membres, en méconnaissance de l'article 512-3 du règlement général de l'AMF ; que par une décision du 4 décembre 2015, la commission des sanctions de l'AMF a estimé que ces manquements étaient caractérisés et a infligé une sanction pécuniaire de 5 millions d'euros à chacune de ces sociétés ;

2. Considérant que les requêtes présentées, d'une part, par la société Virtu Financial Europe Limited et, d'autre part, par la société Euronext Paris sont dirigées contre cette même décision ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Sur la requête de la société Virtu Financial Europe Limited :

En ce qui concerne la régularité de la décision attaquée :

3. Considérant que, contrairement à ce qui est soutenu, la commission des sanctions, qui n'était pas tenue de répondre à tous les arguments invoqués devant elle, a exposé de façon précise et circonstanciée les éléments de droit et de fait qui l'ont conduite à estimer que la société MTE avait méconnu l'interdiction de manipulation des cours et ses obligations professionnelles et à retenir la sanction infligée ; qu'il suit de là que le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait insuffisamment motivée doit être écarté ;


En ce qui concerne le bien-fondé de la décision attaquée, s'agissant des manquements :

Quant à la manipulation de...

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