Conseil d'État, 8ème et 3ème sous-sections réunies, 10/12/2012, 317075, Inédit au recueil Lebon

Date10 décembre 2012
Record NumberCETATEXT000026760205
Judgement Number317075
CounselSCP DELAPORTE, BRIARD, TRICHET
CourtCouncil of State (France)

Vu la décision n° 317075 en date du 3 juillet 2009 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux sur le pourvoi présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, tendant à l'annulation de l'arrêt n° 07VE00530 du 20 mai 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté son recours tendant à l'annulation du jugement n° 0204040 du 21 décembre 2006 du tribunal administratif de Versailles faisant droit à la demande de la société Accor en lui accordant la restitution au titre respectivement des années 1999, 2000 et 2001, des sommes de 49 283 574 euros, 54 757 157 euros et 52 024 962 euros correspondant au versement effectué au titre du précompte mobilier, a, d'une part, annulé cet arrêt, et, d'autre part, sursis à statuer sur le recours du ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique présenté devant la cour administrative d'appel de Versailles jusqu'à ce que la Cour de justice des Communautés européennes se soit prononcée sur les questions préjudicielles qu'il lui a posées ;

Vu l'arrêt C-310/09 du 15 septembre 2011 de la Cour de justice de l'Union européenne ;



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 21 novembre 2012, présentée par le ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 21 novembre 2012, présentée pour la société Accor ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

Vu le traité instituant la Communauté économique européenne, devenue la Communauté européenne, notamment ses articles 49 et 56 ;

Vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu l'arrêt C-446/04 du 12 décembre 2006 de la Cour de justice des Communautés européennes et l'arrêt C-35/11 du 13 novembre 2012 de la Cour de justice de l'Union européenne ;

Vu le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Marc Anton, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de la société Accor,

- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de la société Accor ;



1. Considérant qu'après l'annulation par la décision du 3 juillet 2009 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles, il appartient au Conseil d'Etat dans le cadre du règlement au fond du litige de statuer sur les conclusions du ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique tendant, à titre principal, à l'annulation et, à titre subsidiaire, à la réformation du jugement du 21 décembre 2006 en tant que le tribunal administratif de Versailles a accordé à la société Accor la restitution au titre respectivement des années 1999, 2000 et 2001, des sommes de 49 283 574 euros, 54 757 157 euros et 52 024 962 euros correspondant au versement effectué au titre du précompte mobilier sur le fondement des dispositions combinées du 2 de l'article 146 et des articles 158 bis et 223 sexies du code général des impôts lors de la redistribution des dividendes versés par ses filiales établies dans d'autres Etats membres de la Communauté européenne ;

I - Sur la recevabilité de la demande soumise au tribunal administratif :

2. Considérant qu'aux termes du I de l'article 158 bis du code général des impôts, en vigueur pendant l'année d'imposition en litige : " Les personnes qui perçoivent des dividendes distribués par des sociétés françaises disposent à ce titre d'un revenu constitué /: a) par les sommes qu'elles reçoivent de la société ;/ b) par un avoir fiscal représenté par un crédit ouvert sur le Trésor (...) " ; qu'aux termes du I de l'article 216 du même code : " Les produits nets des participations, ouvrant droit à l'application du régime des sociétés mères (...), touchés au cours d'un exercice par une société mère, peuvent être retranchés du bénéfice net total de celle-ci (...) " ; qu'aux termes du 1 de l'article 223 sexies du même code, dans sa rédaction en vigueur pendant ces années d'imposition : " (...) lorsque les produits distribués par une société sont prélevés sur des sommes à raison desquelles elle n'a pas été soumise à l'impôt sur les sociétés au taux normal (...), cette société est tenue d'acquitter un précompte égal au montant du crédit d'impôt calculé dans les conditions prévues au I de l'article 158 bis. Le précompte est dû au titre des distributions ouvrant droit au crédit d'impôt prévu à l'article 158 bis quels qu'en soient les bénéficiaires " ; qu'aux termes du 2 de l'article 146 du même code, dans sa rédaction en vigueur pendant ces années d'imposition : " Lorsque les distributions auxquelles procède une société mère donnent lieu à l'application du précompte prévu à l'article 223 sexies, ce précompte est diminué, le cas échéant, du montant des crédits d'impôts qui sont attachés aux produits des participations (...) encaissés au cours des exercices clos depuis cinq ans au plus (...) " ;

3. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article 216 du code général des impôts que, sous réserve d'une quote-part de frais et charges, une société mère française n'est pas soumise à l'impôt sur les sociétés à raison des dividendes qu'elle reçoit de ses filiales, quelle qu'en soit la provenance ; qu'en application des dispositions de l'article 223 sexies du même code, lorsqu'elle redistribue ces dividendes à ses propres actionnaires, elle est tenue d'acquitter à ce titre un précompte, quelle que soit la provenance des dividendes qui lui ont été distribués et qu'elle a ainsi redistribués ; que le montant de l'avoir fiscal dont la société mère bénéficie au titre de dividendes distribués par une filiale établie en France en vertu des dispositions de l'article 158 bis du même code s'impute sur le montant de ce précompte en application du 2 de l'article 146 du même code alors que les dispositions de l'article 158 bis font obstacle à l'attribution à cette société mère d'un avoir fiscal au titre de dividendes en provenance de filiales implantées dans un autre Etat membre de la Communauté européenne et, par suite, à toute imputation sur le montant du précompte exigible lorsque cette société mère redistribue ces dividendes ;

4. Considérant que, par un mémoire enregistré le 16 octobre 2012, soit postérieurement à la décision avant-dire droit du Conseil d'Etat statuant au contentieux du 3 juillet 2009, le ministre soutient que, le litige n'ayant jamais porté sur l'exigibilité du précompte mais uniquement sur l'attribution d'avoirs fiscaux pouvant servir au paiement du précompte et la société Accor n'ayant pas présenté de réclamation préalable relative à l'octroi de ces avoirs fiscaux, contrairement à ce qu'exige l'article R. 190-1 du livre des procédures fiscales, la demande présentée par cette société devant le tribunal administratif était irrecevable ;

5. Considérant, d'une part, qu'une question préjudicielle ne pouvant être posée que si elle est déterminante pour la solution du litige, la décision du 3 juillet 2009 par laquelle le Conseil d'Etat a sursis à statuer sur le recours du ministre jusqu'à ce que la Cour de justice des Communautés européennes se soit prononcée sur les questions préjudicielles relatives au fond du litige, dont elle avait été saisie, a implicitement mais nécessairement statué sur la recevabilité des conclusions présentées par la société Accor ; que l'autorité de chose jugée qui s'attache à cette décision s'oppose, même d'office, à ce qu'il soit statué à nouveau sur leur recevabilité ; que, d'autre part, la société Accor a demandé la restitution du précompte qu'elle a spontanément versé au titre des années 1999, 2000 et 2001, au motif que ces dispositions législatives régissant l'avoir fiscal et le précompte ne l'autorisaient pas à imputer, sur le précompte dont elle était redevable, un crédit d'impôt ouvert sur le Trésor public français à raison de l'impôt effectivement supporté par les bénéfices réalisés par ses filiales établies dans les autres Etats de la Communauté européenne ; que la société était recevable à solliciter, à l'appui de sa réclamation préalable, formée dans les délais, tendant à cette restitution et fondée sur l'incompatibilité de ces dispositions avec le droit communautaire, l'octroi d'un crédit d'impôt venant s'imputer sur le précompte dont elle était redevable ; qu'elle n'était pas tenue de présenter, à peine d'irrecevabilité, une réclamation préalable tendant à l'attribution par l'administration de l'avoir fiscal prévu par l'article 158 bis du code général des impôts alors en vigueur et qu'elle ne pouvait espérer obtenir sur le terrain de la loi compte tenu de l'exclusion prévue par la réglementation alors applicable ; que, par suite, le ministre n'est, en tout état de cause, pas fondé à soutenir que le tribunal administratif aurait dû opposer d'office une irrecevabilité à la demande de la société Accor ;

II - Sur la demande tendant à la restitution du précompte :

6. Considérant que le ministre soutient que l'article 1er du jugement attaqué doit être réformé en tant que, d'une part, il méconnaît l'étendue du quantum en litige et, d'autre part, il accorde à la société Accor une restitution de précompte en l'absence de justifications relatives, pour chaque dividende en litige, notamment au taux d'imposition effectivement appliqué et au montant de l'impôt effectivement acquitté à raison des bénéfices réalisés par les filiales installées dans les Etats membres de la Communauté européenne autres que la France ;

7. Considérant que le règlement du litige conduit à examiner, successivement, si la société peut se prévaloir, sur le principe, d'un droit à la restitution du précompte, lequel est subordonné à l'incompatibilité du dispositif de...

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