Conseil d'État, Assemblée, 21/12/2012, 353856, Publié au recueil Lebon

Date21 décembre 2012
Judgement Number353856
Record NumberCETATEXT000026810753
CounselSCP PIWNICA, MOLINIE ; SCP BARADUC, DUHAMEL
CourtCouncil of State (France)
Vu la requête, enregistrée le 4 novembre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la société Groupe Canal Plus, dont le siège est 1, place du spectacle à Issy-les-Moulineaux (92130), représentée par ses dirigeants, et la société Vivendi Universal, dont le siège est 42, avenue de Friedland à Paris Cedex 08 (75380), représentée par ses dirigeants ; les sociétés Groupe Canal Plus et Vivendi Universal demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision n° 11-D-12 du 20 septembre 2011 de l'Autorité de la concurrence relative aux engagements figurant dans la décision autorisant l'acquisition de TPS et Canalsatellite ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 15 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment ses articles 61-1 et 62 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de commerce ;

Vu la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 ;

Vu l'ordonnance n° 2008-1161 du 13 novembre 2008 ;

Vu la décision du 17 juillet 2012 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux a renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par les sociétés Groupe Canal Plus et Vivendi Universal ;

Vu la décision n° 2012-280 QPC du 12 octobre 2012 statuant sur la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par les sociétés Groupes Canal Plus et Vivendi Universal ;

Vu le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Guillaume Odinet, Auditeur,

- les observations de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la Société Groupe Canal Plus et de la Société Vivendi Universal et de la SCP Baraduc, Duhamel, avocat de l'Autorité de la concurrence,

- les conclusions de M. Vincent Daumas, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la Société Groupe Canal Plus et de la Société Vivendi Universal et à la SCP Baraduc, Duhamel, avocat de l'Autorité de la concurrence ;



1. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par une décision du 30 août 2006, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a autorisé, en application du IV de l'article L. 430-7 du code de commerce dans sa rédaction alors applicable, la création de la société Canal Plus France, contrôlée par la société Vivendi Universal et regroupant les activités de télévision payante de la société Groupe Canal Plus, notamment celles de Canalsat, et les activités de télévision payante de la société TPS, acquises par la société Vivendi Universal auprès des sociétés TFI et Métropole Télévision (M6) ; que cette autorisation était subordonnée à la réalisation effective de cinquante-neuf engagements pris par les sociétés Groupe Canal Plus et Vivendi Universal et relatifs, notamment, à l'accès aux droits de diffusion, à la mise à disposition de chaînes au profit de distributeurs tiers, à la reprise des chaînes indépendantes et à la distribution des chaînes tierces ; que ces engagements étaient " souscrits pour une durée de six ans maximum commençant à courir, pour chaque engagement, au plus tard quatre-vingt-dix jours après la date de réalisation de l'opération ", soit au plus tard à compter du 4 avril 2007, la durée pour les engagements relatifs à la vidéo à la demande et à la mise à disposition de chaînes étant, par dérogation, de cinq ans maximum ; que, par une décision n° 11-D-12 du 20 septembre 2011, l'Autorité de la concurrence a constaté l'inexécution des engagements nos 3, 14, 20, 21, 22, 34, 41, 42, 44 et 56 figurant dans cette décision, retiré la décision du 30 août 2006, dit qu'à moins de revenir à l'état antérieur à la concentration, les sociétés Groupe Canal Plus et Vivendi Universal étaient tenues de notifier à nouveau l'opération dans un délai d'un mois et a prononcé une sanction pécuniaire d'un montant de trente millions d'euros ; que les sociétés Groupe Canal Plus et Vivendi Universal demandent l'annulation de cette décision ;

Sur le cadre juridique du litige :

2. Considérant, d'une part, que, par sa décision n° 2012-280 QPC du 12 octobre 2012, le Conseil constitutionnel a déclaré conformes à la Constitution les dispositions du IV de l'article L. 430-8, du II de l'article L. 461-1, de l'article L. 461-3 et du III de l'article L. 462-5 du code de commerce ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée aurait été prise sur le fondement de dispositions contraires aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être écarté ;

3. Considérant, d'autre part, que le Conseil constitutionnel a, par la même décision, jugé que les mesures prévues au IV de l'article L. 430-8 du code de commerce avaient le caractère de sanctions ; qu'il appartient dès lors au Conseil d'Etat de se prononcer sur la contestation dont il est saisi comme juge de plein contentieux ;

Sur la compétence de l'Autorité de la concurrence :

4. Considérant que, par les articles 95 et 96 de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie, entrés en vigueur à compter de la publication de l'ordonnance du 13 novembre 2008 portant modernisation de la régulation de la concurrence, le législateur a instauré une Autorité de la concurrence et a transféré à cette Autorité les compétences antérieurement dévolues au ministre chargé de l'économie en matière de contrôle des concentrations économiques par le titre III du livre IV de la partie législative du code de commerce, le ministre ne conservant qu'un pouvoir d'évocation dans les conditions prévues au nouvel article L. 430-7-1 de ce code ; qu'aux termes de l'article L. 430-8 du même code, dans sa rédaction issue de la loi du 4 août 2008 : " I.- Si une opération de concentration a été réalisée sans être notifiée, l'Autorité de la concurrence enjoint sous astreinte, dans la limite prévue au II de l'article L. 464-2, aux parties de notifier l'opération, à moins de revenir à l'état antérieur à la concentration (...). / En outre, l'autorité peut infliger aux personnes auxquelles incombait la charge de la notification une sanction pécuniaire dont le montant maximum s'élève, pour les personnes morales, à 5 % de leur chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France lors du dernier exercice clos, augmenté, le cas échéant, de celui qu'a réalisé en France durant la même période la partie acquise et, pour les personnes physiques, à 1,5 million d'euros. / (...) / IV.- Si elle estime que les parties n'ont pas exécuté dans les délais fixés une injonction, une prescription ou un engagement figurant dans sa décision ou dans la décision du ministre ayant statué sur l'opération en application de l'article L. 430-7-1, l'Autorité de la concurrence constate l'inexécution. Elle peut : / 1° Retirer la décision ayant autorisé la réalisation de l'opération. A moins de revenir à l'état antérieur à la concentration, les parties sont tenues de notifier de nouveau l'opération dans un délai d'un mois à compter du retrait de la décision, sauf à encourir les sanctions prévues au I ; / 2° Enjoindre sous astreinte, dans la limite prévue au II de l'article L. 464-2, aux parties auxquelles incombait l'obligation non exécutée d'exécuter dans un délai qu'ils fixent les injonctions, prescriptions ou engagements. / En outre, l'Autorité de la concurrence peut infliger aux personnes auxquelles incombait l'obligation non exécutée une sanction pécuniaire qui ne peut dépasser le montant défini au I. / La procédure applicable est celle prévue au deuxième alinéa de l'article L. 463-2 et aux articles L. 463-4, L. 463-6 et L. 463-7. Toutefois, les parties qui ont procédé à la notification et le commissaire du Gouvernement doivent produire leurs observations en réponse à la communication du rapport dans un délai de quinze jours ouvrés./ L'Autorité de la concurrence se prononce dans un délai de soixante-quinze jours ouvrés (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 462-5 du même code dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 13 novembre 2008 : " I.- L'Autorité de la concurrence peut être saisie par le ministre chargé de l'économie (...) des manquements aux engagements pris en application de l'article L. 430-7-1 ou pris en application des décisions de concentration intervenues avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2008-1161 du 13 novembre 2008 portant modernisation de la régulation de la concurrence. / (...) / III.- Le rapporteur général peut proposer à l'Autorité de la concurrence de se saisir d'office des pratiques mentionnées aux I et II et à l'article L. 430-8 ainsi que des manquements aux engagements pris en application des décisions autorisant des opérations de concentration intervenues avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2008-1161 du 13 novembre 2008 portant modernisation de la régulation de la concurrence. " ;

5. Considérant que, par ces dispositions, le législateur a entendu assurer la continuité de l'exercice des pouvoirs de police en matière de concentrations antérieurement détenus par le ministre chargé de l'économie et transférés à l'Autorité de la concurrence ; qu'il en résulte que, quelle que soit la date à laquelle les mesures correctives assortissant une autorisation de concentration ont été adoptées, l'Autorité de la concurrence est compétente pour se saisir d'office en vue de vérifier l'exécution des injonctions, prescriptions ou engagements figurant dans des décisions autorisant des opérations de concentration et, en cas de manquements à ces injonctions, prescriptions ou engagements, prononcer, s'il y a lieu, les sanctions prévues au IV de l'article L. 430-8 du code de commerce ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision litigieuse serait entachée d'incompétence au motif que la décision du 30 août 2006 au retrait de laquelle elle procède a été prise par le ministre chargé de l'économie en vertu de l'ancien article L. 430-7 du code de commerce doit être écarté ;

Sur la régularité...

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