Conseil d'État, Juge des référés, 23/06/2009, 328678, Inédit au recueil Lebon

Presiding JudgeM. Chantepy
Date23 juin 2009
Judgement Number328678
Record NumberCETATEXT000020829676
CounselSCP PIWNICA, MOLINIE ; SCP BOUTET ; SCP GASCHIGNARD
CourtCouncil of State (France)
Vu 1), sous le n° 328678, la requête, enregistrée le 8 juin 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour l'ASSOCIATION PROMOUVOIR, dont le siège est B.P. 48 à Pernes les Fontaines (84210), représentée par son mandataire désigné ; l'ASSOCIATION PROMOUVOIR demande au juge des référés du Conseil d'État :

1°) à titre principal, d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision en date du 2 juin 2009 de la ministre de la culture et de la communication accordant un visa d'exploitation au film Antichrist avec interdiction aux mineurs de seize ans, ou, à titre subsidiaire, de suspendre certains effets de cette décision en subordonnant la poursuite de la projection du film au retrait des scènes les plus choquantes;
2°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


elle soutient que l'urgence résulte de la violence extrême de plusieurs scènes du film, mêlant mutilation sexuelle et scènes de sexe non simulées ; que ce film est déjà diffusé dans plus d'une centaine de salles en France ; qu'il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision accordant le visa d'exploitation; qu'en effet elle méconnaît les dispositions de la loi du 30 décembre 1975 de finances pour 1976 relatives au régime fiscal applicable à l'occasion de la projection de films pornographiques ou d'incitation à la violence, dès lors qu'elle ne classe pas le film dans cette catégorie, alors qu'il comporte de nombreuses scènes de sexe non simulées et de nombreuses scènes d'une extrême violence, dont l'horreur et la perversité justifieraient un tel classement, et, à titre subsidiaire, dès lors qu'elle n'a pas procédé à un classement sous réserve avec désignation des scènes à supprimer ; que les dispositions de cette loi n'ont pas pour objet de protéger les seuls mineurs mais également de refuser toute aide de l'État à des films pornographiques ou d'incitation à la violence ; que la décision contestée est entachée d'une erreur d'appréciation, en ne prévoyant pas l'interdiction du film aux mineurs de dix-huit ans, alors que cette possibilité a été ouverte par le décret du 12 juillet 2001 pour les films comportant des scènes de sexe non simulées et des scènes mêlant sexe et violence, sans que puisse être prise en compte la démarche cinématographique ou la qualité artistique de la mise en scène ; qu'à tout le moins le visa aurait dû être assorti d'un avertissement ; que la décision attaquée méconnaît les dispositions de l'article 227-24 du code pénal ;

Vu la décision dont la suspension est demandée ;

Vu la requête à fin d'annulation de la même décision ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 17 juin 2009, présenté par la ministre de la culture et de la communication, qui conclut au rejet de la requête; la ministre soutient qu'aucune urgence ne s'attache à ce que la décision soit suspendue, dès lors que le visa délivré n'affecte pas les intérêts des mineurs de seize à dix-huit ans, puisqu'il autorise seulement la diffusion du film en salles et ne le rend donc pas accessible directement aux mineurs ; que le film a fait l'objet d'un degré élevé d'information quant à sa nature et son contenu ; que le nombre de spectateurs pour ce film est limité et circonscrit à un public de cinéphiles ; que la ministre n'a pas commis d'erreur d'appréciation en ne classant pas le film dans la catégorie des films pornographiques ou d'incitation à la violence mentionnés aux articles 11 et 12 de la loi du 30 décembre 1975 de finances pour 1976, dès lors qu'il ne constitue ni un film pornographique ni un film violent au sens de ces dispositions ; que la seule présence de scènes de sexe ou de violence ne saurait justifier un tel classement ; que ce classement est exclu pour les films présentant une dimension esthétique ; que la ministre n'a pas commis d'erreur d'appréciation en ne soumettant pas le film à une interdiction aux mineurs de dix-huit ans ; que la possibilité prévue à l'article 3-1 du décret du 23 février 1990 doit être utilisée dans le respect du principe de proportionnalité ; que les scènes de sexe et de violence sont brèves et peu nombreuses ; que la décision d'interdiction n'avait pas à être assortie d'un avertissement, dès lors que le public du film est constitué de cinéphiles et a été averti par la communication qui a entouré le film ; qu'elle ne méconnaît pas les dispositions de l'article 227-24 du code pénal ; qu'elle concilie les exigences de la liberté d'expression avec celles de l'ordre public, en tenant compte de l'évolution des moeurs et de la société ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 18 juin 2009, présenté pour la société SLOT MACHINE, qui conclut au rejet de la requête; elle soutient qu'aucune urgence ne s'attache à ce que la décision soit suspendue, dès lors que le film Antichrist est diffusé depuis le 3 juin 2009, que sa sortie en salles avait été annoncée et était attendue dès sa présentation au festival de Cannes le 18 mai 2009 ; que la requête de l'ASSOCIATION PROMOUVOIR a été déposée plusieurs jours après la sortie en salles, alors que la fréquentation prévisible d'un film ayant obtenu un prix dans le cadre du festival de Cannes est plus forte dans les premiers jours ; qu'il s'agit d'un film d'auteur, dont le public est limité, et dont la fréquentation a baissé la deuxième semaine d'exploitation par rapport à la première ; que rien ne s'oppose à ce qu'il soit statué sur la requête au fond dans les plus brefs délais ; qu'il n'existe pas de doute sérieux quant à la légalité de la décision accordant le visa d'exploitation ; que la ministre n'a pas commis d'erreur d'appréciation en ne classant pas le film dans la catégorie des films pornographiques ou d'incitation à la violence visés aux articles 11 et 12 de la loi du 30 décembre 1975 de finances pour 1976, dès lors qu'il ne constitue ni un film pornographique ni un film incitant à la violence au sens de ces dispositions ; que les scènes de sexualité ne sont ni nombreuses ni longues, qu'elles s'inscrivent dans une démarche esthétique et d'illustration d'un sentiment de culpabilité maternelle ; que les scènes de violence, qui ne sont jamais gratuites et s'inscrivent dans une démarche esthétique, ne peuvent être considérées comme des scènes incitant à la violence ; que la ministre n'a pas commis d'erreur d'appréciation en ne soumettant pas le film à une interdiction aux mineurs de dix-huit ans ; que la commission de...

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