Conseil d'État, Juge des référés, 18/05/2020, 440366, Inédit au recueil Lebon

Judgement Number440366
Date18 mai 2020
Record NumberCETATEXT000041897157
CounselSCP CELICE, TEXIDOR, PERIER ; SCP BARADUC, DUHAMEL, RAMEIX
CourtCouncil of State (France)

Vu la procédure suivante :
1° Sous le n° 440366, par une requête et des mémoires, enregistrés les 3 et 12 mai 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. G... W..., M. A... R..., M. AD... AF..., Mme I... AP..., M. AG... AM..., Mme AN... AV..., M. AA... N..., M. BA... P... et Mme U... AH... demandent, dans le dernier état de leurs écritures, au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :
1°) d'ordonner sans délai à tout titulaire du pouvoir règlementaire compétent toutes mesures utiles visant à permettre au moins partiellement l'exercice immédiat de la liberté du culte et de la liberté religieuse dans les établissements du culte, sur tout le territoire national, ou dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, ou sur le ressort territorial de la Paroisse Saint-Bernard à Metz Plantières, notamment en suspendant provisoirement les dispositions du III de l'article 8 du décret n° 2020-545 du 11 mai 2020 et de l'article 10 du décret n° 2020-548 du 11 mai 2020 qui les ont reprises, pour la durée qu'il déterminera et au moins jusqu'à ce que le caractère absolu des atteintes à la liberté du culte et à la liberté religieuse à l'intérieur des édifices cultuels ait été aménagé par voie règlementaire en conformité avec le principe de nécessité, le principe de proportionnalité et le principe de réalité ;

2°) d'ordonner la notification de l'ordonnance à intervenir à M. AZ... AK..., évêque du diocèse de Metz, domicilié 15 place Sainte-Glossinde, 57000 Metz;

3°) d'enjoindre à tout titulaire du pouvoir règlementaire compétent de prendre sous huitaine toutes mesures utiles visant, pendant la durée de l'état d'urgence, à prévoir des dérogations à l'interdiction absolue de l'exercice de la liberté du culte et de la liberté religieuse dans les établissements du culte, et notamment en en fixant les termes et conditions suivant le principe de nécessité et le principe de proportionnalité et le principe de réalité, sur tout le territoire national, ou dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, ou sur le ressort territorial de la Paroisse Saint-Bernard à Metz Plantières ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;



Ils soutiennent que :
- ils justifient d'un intérêt à agir ;
- la condition d'urgence est remplie eu égard, premièrement, à l'interdiction totale de l'exercice libre, public et communautaire du culte et à l'interdiction de recevoir les sacrements, deuxièmement, à l'intérêt que représente la célébration du culte pour l'ensemble de la société, troisièmement, à la date du 21 mai 2020 fixée pour le sacrement de la Confirmation dans leur paroisse et, quatrièmement, à l'importance de la célébration du culte et des sacrements pour les catholiques ;
- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté de culte, à la liberté religieuse, à la liberté d'organisation du culte par l'église catholique dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, à la publicité du culte et à la liberté d'exercice de la pratique religieuse ;
- les dispositions contestées méconnaissent l'article 1er de la convention du 26 messidor an IX en ce qu'elles restreignent l'exercice du culte pour un motif qui n'y est pas prévu ;
- elles méconnaissent l'article 9 des articles organiques de la convention du 26 messidor an IX en ce qu'elles s'immiscent dans l'organisation du culte réservée à la compétence exclusive des ministres du culte ;
- des aménagements dans l'exercice du culte sont possibles pour garantir à la fois le libre exercice du culte, la libre pratique religieuse et le respect des mesures sanitaires ;
- les dispositions contestées méconnaissent les articles 9 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en opérant des distinctions fondées sur la religion et la croyance.

Par une intervention, enregistrée le 5 mai 2020, M. L... AR... demande au juge des référés du Conseil d'Etat de faire droit aux conclusions présentées par les requérants et d'enjoindre au Premier ministre de prendre les mesures nécessaires au libre exercice des cultes à compter du 11 mai 2020. Il soutient que son intervention est recevable dès lors qu'il a intérêt à intervenir, que la condition d'urgence est remplie dès lors qu'une atteinte injustifiée à la liberté de culte est imminente et que l'interdiction du culte public dans les établissements de culte à compter du 11 mai 2020, qui ne tient pas compte de la possibilité d'y respecter les gestes barrières et les mesures de distanciation sociale, porte une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté de culte et au principe d'égalité.

Par un mémoire en défense et un mémoire, enregistrés les 7 et 12 mai 2020, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête. Il soutient, à titre principal, que les demandes sont irrecevables eu égard à l'office du juge du référé-liberté et, à titre subsidiaire, que la condition d'urgence n'est pas remplie en ce qui concerne les dispositions du décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 et qu'il n'est porté aucune atteinte grave et manifestement illégale à la liberté de culte.

Par trois interventions, enregistrées le 7 mai 2020, M. B... X... et Mme V... AI..., M. O... AB... et Mme AS... AE..., ainsi que M. AW... J... et M. Q... Z... demandent au juge des référés du Conseil d'Etat de faire droit aux conclusions présentées par les requérants et d'enjoindre au Premier ministre de prendre les mesures nécessaires au libre exercice des cultes à compter du 11 mai 2020. Ils soutiennent qu'ils ont intérêt à intervenir, que la condition d'urgence est remplie dès lors qu'à compter du 11 mai, la liberté de culte sera entravée sans motif légitime quand d'autres lieux et activités seront autorisés et que l'interdiction du culte public dans les établissements de culte à compter du 11 mai 2020, qui ne tient pas compte de la possibilité d'y respecter les gestes barrières et les mesures de distanciation sociale, porte une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté de culte et au principe d'égalité.

Par une intervention, enregistrée le 14 mai 2020, M. O... AB..., Mme AS... AJ..., M. AW... J..., M. Q... Z..., Mme AS... AE... et M. B... X... demandent au juge des référés du Conseil d'Etat de faire droit aux conclusions présentées par les requérants. En outre, ils demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution du III de l'article 10 du décret n° 2020-548 du 11 mai 2020, d'enjoindre au Premier ministre d'adopter, dans un délai de 24 heures, les dispositions et mesures provisoires et proportionnées éventuellement nécessaires pour permettre sans attendre la fin du mois de mai l'exercice du culte dans le respect des recommandations et normes sanitaires nécessaires à la santé publique et mises en oeuvre sous la seule responsabilité des propriétaires et affectataires des édifices cultuels et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que la condition d'urgence est remplie compte tenu de la tenue prochaine de fêtes religieuses importantes et que le III de l'article 10 du décret n° 2020-548 du 11 mai 2020 porte une atteinte grave et manifestement illégale au libre exercice du culte.



2° Sous le n° 440380, par une requête et des mémoires, enregistrés les 4, 5, 7, 11, 12 et 13 mai 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Civitas demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :
1°) d'enjoindre au Premier ministre ou à toute autorité compétente d'autoriser toute cérémonie religieuse à partir du 11 mai 2020, sous réserve de restrictions strictement limitées à l'ordre public, sous astreinte de 300 euros par jour de retard à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Elle soutient que :
- la décision verbale du Premier ministre du 28 avril 2020 peut être contestée dans le cadre d'un référé-liberté ;
- le Conseil d'Etat est compétent pour connaître de ce recours en premier et dernier ressort ;
- elle justifie d'un intérêt à agir ;
- la condition d'urgence est remplie dès lors que la décision contestée s'appliquera dès le 11 mai et jusqu'au 2 juin 2020 minimum, que la prorogation de l'état d'urgence sanitaire n'est pas un critère pertinent pour la justifier, que les mesures de confinement et la saturation des structures hospitalières ne sont plus d'actualité et, en tout état de cause, que l'atteinte portée à plusieurs libertés fondamentales constitue en tant que telle une urgence ;
- la décision contestée porte une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté de conscience et de culte, à la liberté personnelle, à la liberté d'aller et venir et à la liberté de réunion ;
- l'interdiction d'organiser des cérémonies religieuses au moins jusqu'au 2 juin 2020 constitue une interdiction générale et absolue qui n'est ni adaptée, ni nécessaire ni proportionnée, des mesures moins restrictives des libertés pouvant permettre d'organiser des cérémonies religieuses en toute sécurité ;
- la décision contestée est entachée d'incompétence ;
- elle n'est pas suffisamment motivée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 mai 2020, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête. Il soutient que la déclaration attaquée du Premier ministre du 28 avril 2020 ne constitue qu'un acte préparatoire aux dispositions règlementaires à intervenir et ne saurait, par elle-même, être regardée comme ayant un impact juridique ni, a...

Pour continuer la lecture

SOLLICITEZ VOTRE ESSAI
1 temas prácticos
  • Conseil d'État, Juge des référés, 29/11/2020, 446930, Inédit au recueil Lebon
    • France
    • Council of State (France)
    • 29 novembre 2020
    ...2020 ; - le décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 ; - l'ordonnance du juge des référés du Conseil d'Etat du 18 mai 2020 M. N... et autres, n° 440366, 440380, 440410, 440531, 440550, 440562, 440563, 440590 - l'ordonnance du juge des référés du Conseil d'Etat du 7 novembre 2020 Association C......
1 sentencias
  • Conseil d'État, Juge des référés, 29/11/2020, 446930, Inédit au recueil Lebon
    • France
    • Council of State (France)
    • 29 novembre 2020
    ...2020 ; - le décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 ; - l'ordonnance du juge des référés du Conseil d'Etat du 18 mai 2020 M. N... et autres, n° 440366, 440380, 440410, 440531, 440550, 440562, 440563, 440590 - l'ordonnance du juge des référés du Conseil d'Etat du 7 novembre 2020 Association C......

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT