Décision judiciaire de Conseil d'Etat, 30 janvier 2013 (cas Conseil d'État, 9ème et 10ème sous-sections réunies, 30/01/2013, 347357)

Date de Résolution30 janvier 2013
JuridictionCouncil of State (France)
Nature Décision

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 mars et 14 juin 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la caisse de crédit municipal de Toulon, dont le siège est 10, place Vincent Raspail, à Toulon (83100) ; la caisse de crédit municipal de Toulon demande au Conseil d'Etat :

  1. ) d'annuler la décision du 10 janvier 2011 par laquelle la commission des sanctions de l'Autorité de contrôle prudentiel a prononcé à son encontre un blâme et une sanction pécuniaire d'un montant de 150 000 euros ;

  2. ) d'enjoindre à l'Autorité de contrôle prudentiel, au cas où cette annulation serait prononcée, de publier la décision du Conseil d'Etat sur son site internet pendant un délai d'au moins cinq ans ;

  3. ) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 7 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu les notes en délibéré, enregistrées le 9 janvier 2013, présentées pour l'Autorité de contrôle prudentiel ;

Vu les notes en délibéré, enregistrées le 10 janvier 2013, présentées pour la caisse de crédit municipal de Toulon ;

Vu la Constitution, notamment son article 62 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code monétaire et financier ;

Vu la loi n° 2010-1249 du 22 octobre 2010 ;

Vu l'ordonnance n° 2010-79 du 21 janvier 2010 ;

Vu le règlement n° 97-02 du 21 février 1997 du comité de la réglementation bancaire ;

Vu la décision n° 2011-200 QPC du 2 décembre 2011 du Conseil constitutionnel ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Matthieu Schlesinger, Auditeur,

- les observations de la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la caisse de crédit municipal de Toulon et de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de l'Autorité de contrôle prudentiel,

- les conclusions de Mme Claire Legras, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la caisse de crédit municipal de Toulon et à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de l'Autorité de contrôle prudentiel ;

1. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'à la suite d'un contrôle conduit au cours de l'année 2009 et conclu par un rapport de l'inspection de la Banque de France remis le 29 octobre 2009, le président du collège " banque " de l'Autorité de contrôle prudentiel a, par deux lettres du 28 juin 2010, d'une part, notifié à la caisse de crédit municipal de Toulon l'ouverture d'une procédure disciplinaire à son encontre et, d'autre part, saisi la commission des sanctions ; que celle-ci a, après avoir entendu le 16 décembre 2010 deux des dirigeants de la caisse de crédit municipal de Toulon, prononcé à son encontre un blâme et une sanction pécuniaire de 150 000 euros par une décision rendue le 10 janvier 2011 ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 311-4 du code de justice administrative : " Le Conseil d'Etat connaît, en premier et dernier ressort, des recours de pleine juridiction qui lui sont attribués en vertu : / 1° Du IV de l'article L. 612-16 du code monétaire et financier contre les décisions de sanction prises par l'Autorité de contrôle prudentiel ; (...) " ; que les recours formés contre les décisions de la commission des sanctions de l'Autorité de contrôle prudentiel, qui sont dirigés contre une décision d'une autorité administrative indépendante, n'ont ni le caractère de requêtes d'appel ni celui de pourvois en cassation ; que la caisse de crédit municipal de Toulon demande la réformation de la décision du 10 janvier 2011 en tant qu'elle lui inflige une sanction pécuniaire ;

Sur la compétence de l'Autorité de contrôle prudentiel :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 612-2 du code monétaire et financier relèvent, notamment, de la compétence de l'Autorité de contrôle prudentiel " les établissements de crédit " ; que le paragraphe I de l'article L. 514-1 du même code dispose : " Les caisses de crédit municipal sont des établissements publics communaux de crédit et d'aide sociale. Elles ont notamment pour mission de combattre l'usure par l'octroi de prêts sur gages corporels dont elles ont le monopole. Elles peuvent réaliser toutes opérations avec les établissements de crédit, recevoir des fonds des personnes physiques et des personnes morales, mettre à la disposition de ces personnes des moyens de paiement et réaliser avec elles des opérations connexes au sens de l'article L. 311-2. " ; que l'article L. 511-9 de ce code précise que " les établissements de crédit sont agréés en qualité de banque, de banque mutualiste ou coopérative, de caisse de crédit municipal, de société financière ou d'institution financière spécialisée " ; qu'ainsi, les caisses de crédit municipal sont des établissements de crédit et relèvent du champ de compétence de l'Autorité de contrôle prudentiel, sans que puisse y faire obstacle ni leur qualité d'établissements publics communaux, ni leur mission d'aide sociale ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision du 10 janvier 2011 aurait été prise par une autorité incompétente ne peut qu'être écarté ;

Sur le cadre juridique du litige :

4. Considérant que le code monétaire et financier, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 21 janvier 2010 portant fusion des autorités d'agrément et de contrôle de la banque et de l'assurance, conférait à la Commission bancaire la compétence de sanctionner les établissements de crédit, notamment lorsque ceux-ci enfreignaient une disposition législative ou réglementaire au respect de laquelle la Commission avait pour mission de veiller ; que l'article L. 613-6 de ce code donnait compétence au secrétariat général de cette Commission pour effectuer des contrôles sur pièces et sur place ; que l'article L. 613-21 fixait la liste et le quantum des sanctions susceptibles d'être infligées ; que, par la décision n° 2011-200 QPC du 2 décembre 2011, le Conseil constitutionnel a jugé contraires à la Constitution les dispositions des articles L. 613-6 et L. 613-21 du code monétaire et financier au motif que ces dispositions, en organisant la Commission bancaire sans séparer en son sein, d'une part, les fonctions de poursuite des éventuels manquements des établissements de crédit aux dispositions législatives et réglementaires qui les régissent et, d'autre part, les fonctions de jugement de ces mêmes manquements, qui peuvent faire l'objet de sanctions disciplinaires, méconnaissaient le principe d'impartialité des juridictions ; que le Conseil constitutionnel a précisé que cette déclaration d'inconstitutionnalité était applicable à toutes les instances non définitivement jugées à la date de sa décision ;

5. Considérant, en premier lieu, que le premier alinéa du III de l'article 22 de l'ordonnance du 21 janvier 2010 précitée précise que : " A compter de la première réunion de son collège, l'Autorité de contrôle prudentiel succède dans leurs droits et obligations respectifs à l'Autorité de...

Pour continuer la lecture

SOLLICITEZ VOTRE ESSAI

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT