Conseil d'État, 1ère - 6ème chambres réunies, 24/02/2017, 392459, Inédit au recueil Lebon

Judgement Number392459
Record NumberCETATEXT000034081845
Date24 février 2017
CounselSCP PIWNICA, MOLINIE
CourtCouncil of State (France)
Vu les procédures suivantes :

1° Par une requête, un mémoire en réplique et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 6 août 2015, 9 février, 23 mars et 19 avril 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat sous le n° 392459, les sociétés Novartis Pharma SAS et Novartis Europharm Limited demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du directeur général de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé du 24 juin 2015 établissant une recommandation temporaire d'utilisation de la spécialité Avastin dans l'indication du traitement de la dégénérescence maculaire liée à l'âge néovasculaire et le protocole de suivi des patients dont elle est assortie ;

2°) subsidiairement, de surseoir à statuer et de saisir la Cour de justice de l'Union européenne, à titre préjudiciel, de l'interprétation de l'article 5, paragraphe 1, de la directive 2001/83/CE et des articles 3, paragraphe 1, et 81, paragraphe 2, du règlement 725/2004 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat ou de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé les sommes de 3 000 euros à verser à chacune d'elles au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


2° Par une requête, un mémoire en réplique et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 20 août 2015, 8 février, 11 mai et 7 septembre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat sous le n° 392810, la société Roche SAS demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du directeur général de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé du 24 juin 2015 établissant une recommandation temporaire d'utilisation de la spécialité Avastin dans l'indication du traitement de la dégénérescence maculaire liée à l'âge néovasculaire ;

2°) subsidiairement, de surseoir à statuer et de renvoyer à la Cour de justice de l'Union européenne, à titre préjudiciel, la question de savoir si les dispositions de l'article 5, paragraphe 1, de la directive 2001/83/CE, lues à la lumière de l'article 16 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, permettent d'étendre l'usage d'un médicament dans une indication thérapeutique différente de celle prévue par son autorisation de mise sur le marché, alors que l'autorisation de mise sur le marché d'autres médicaments couvre cette indication, sans que soit démontré ou vérifié un bénéfice thérapeutique individuel supplémentaire ;

3°) de mettre à la charge de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule ;
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- la directive 98/34/CE du 22 juin 1998 ;
- la directive 2001/83/CE du 6 novembre 2001 ;
- le règlement (CE) n° 726/2004 du 31 mars 2004 ;
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- la loi n° 2011-2012 du 29 décembre 2011 ;
- la loi n° 2014-892 du 8 août 2014 ;
- le décret n° 2012-742 du 9 mai 2012 ;
- le décret n° 2014-1703 du 30 décembre 2014 ;
- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Yannick Faure, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Jean Lessi, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société Roche SAS.

Vu les notes en délibéré, enregistrées le 1er février 2017, présentée par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé dans les instances n°s 392359 et 392810.




1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 5121-12-1 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de la loi du 8 août 2014 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014 : " I. - Une spécialité pharmaceutique peut faire l'objet d'une prescription non conforme à son autorisation de mise sur le marché en l'absence de spécialité de même principe actif, de même dosage et de même forme pharmaceutique disposant d'une autorisation de mise sur le marché ou d'une autorisation temporaire d'utilisation dans l'indication ou les conditions d'utilisation considérées, sous réserve qu'une recommandation temporaire d'utilisation établie par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé sécurise l'utilisation de cette spécialité dans cette indication ou ces conditions d'utilisation et que le prescripteur juge indispensable le recours à cette spécialité pour améliorer ou stabiliser l'état clinique de son patient. (...) / (...) IV. - (...) Ces recommandations sont assorties d'un protocole de suivi des patients, qui précise les conditions de recueil des informations concernant l'efficacité, les effets indésirables et les conditions réelles d'utilisation de la spécialité par le titulaire de l'autorisation de mise sur le marché ou l'entreprise qui l'exploite. (...) " ;

2. Considérant que, par une décision du 24 juin 2015, le directeur général de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé a établi, sur le fondement de ces dispositions du code de la santé publique, une recommandation temporaire d'utilisation, assortie d'un protocole de suivi des patients, pour la spécialité Avastin 25 mg/ml, solution à diluer pour perfusion, dans l'indication du traitement de la dégénérescence maculaire liée à l'âge néovasculaire ; que, par deux requêtes qu'il y a lieu de joindre, les sociétés Novartis Pharma SAS et Novartis Europharm Limited, d'une part, et la société Roche SAS, d'autre part, demandent l'annulation pour excès de pouvoir de cette décision ;

I. Sur l'intervention de la société Roche SAS dans la requête des sociétés Novartis Pharma SAS et Novartis Europharm Limited :

3. Considérant qu'une intervention ne peut être admise que si son auteur s'associe soit aux conclusions des requérants, soit à celles du défendeur ; que la société Roche SAS se borne à demander au Conseil d'Etat de lui donner acte de son intervention en qualité d'observateur ; que, par suite, son intervention n'est pas recevable ;

II. Sur les dispositions de la décision attaquée relatives aux conditions de recueil des informations concernant l'efficacité, les effets indésirables et les conditions réelles d'utilisation de la spécialité par la société Roche SAS :

4. Considérant qu'il ressort des pièces des dossiers que, postérieurement à l'introduction des requêtes, les dispositions du protocole assortissant la décision attaquée relatives aux conditions de recueil des informations concernant l'efficacité, les effets indésirables et les conditions réelles d'utilisation de la spécialité Avastin par la société Roche SAS, qui assure l'exploitation de la spécialité en France, ont été remplacées, le 11 septembre 2015, par de nouvelles dispositions prévoyant les conditions de recueil et d'analyse de ces mêmes informations par les Hospices civils de Lyon, selon des modalités précisées par une convention conclue le 1er octobre suivant entre cet établissement et l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé ; que cette modification, qui a eu pour effet d'abroger les dispositions concernées de la décision attaquée, est devenue définitive ; que, par ailleurs, si la décision attaquée est entrée en vigueur, aux termes de son article 5, le 1er septembre 2015, il ressort des pièces des dossiers que les dispositions concernées, qui ne pouvaient être mises en oeuvre qu'après accords de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, de l'Institut des données de santé et de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, non obtenus ni même sollicités par la société Roche SAS qui avait fait part de son opposition à cette mise en oeuvre, n'ont reçu aucun commencement d'exécution antérieurement à leur abrogation ; qu'est à cet égard sans incidence la circonstance, invoquée par la société Roche SAS, que le coût du suivi des patients traités dans le cadre de la recommandation temporaire d'utilisation demeure à sa charge, en application de l'article R. 5121-76-7 du code de la santé publique et selon des modalités précisées par une convention conclue le 5 juillet 2016 entre la société Roche SAS, l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé et les Hospices civils de Lyon ; qu'il suit de là que les conclusions des requêtes tendant à l'annulation, d'une part, du premier alinéa de l'article 2 ainsi que de l'article 3 de la décision attaquée et, d'autre part, du point 4.2 du protocole de suivi des patients qui lui est annexé, relatif au suivi spécifique des patients traités, sont devenues sans objet ; que, dès lors, il n'y a pas lieu d'y statuer ;

III. Sur les autres dispositions de la décision attaquée :

A. En ce qui concerne la procédure préalable à l'adoption de cette décision :

5. Considérant, en premier lieu, que l'article L. 5121-12-1 du code de la santé publique prévoit seulement, à son IV, que " Les recommandations temporaires d'utilisation mentionnées au I sont établies après information du titulaire de l'autorisation de mise sur le marché (...) " ; qu'en revanche, ni les dispositions de cet article ni aucun autre texte non plus qu'aucun principe n'imposaient de procéder, avant l'établissement de la recommandation temporaire d'utilisation de la spécialité Avastin dans le traitement de la dégénérescence maculaire liée à l'âge néovasculaire, à la consultation de la société Novartis Europharm Limited, au seul motif qu'elle est titulaire des autorisations de mise sur le marché des spécialités Lucentis 10 mg/ml (solution injectable et solution injectable en seringue pré-remplie) qui ont la même indication, ou à celle de la société Novartis Pharma SAS, exploitant cette même spécialité en France ; que les...

Pour continuer la lecture

SOLLICITEZ VOTRE ESSAI

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT