Conseil d'État, 6ème et 5ème chambres réunies, 17/06/2019, 400192

Judgement Number400192
Date17 juin 2019
Record NumberCETATEXT000038633860
CounselSCP HEMERY, THOMAS-RAQUIN, LE GUERER
CourtCouncil of State (France)
Vu les procédures suivantes :

1° Sous le n° 400192, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 27 mai 2016 et 5 avril 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, la Compagnie nationale des conseils en propriété industrielle et l'Association des conseils en propriété industrielle demandent au Conseil d'État :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'ordonnance n° 2016-394 du 31 mars 2016 relative aux sociétés constituées pour l'exercice en commun de plusieurs professions libérales soumises à un statut législatif ou règlementaire ou dont le titre est protégé ;

2°) de mettre à la charge de l'État une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



2° Sous le n° 400208, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 30 mai et 11 août 2016 et 3 mai 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, l'Ordre des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation demande au Conseil d'État d'annuler pour excès de pouvoir la même ordonnance.



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3° Sous le n° 400267, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 30 mai 2016 et 16 mai 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, le Conseil supérieur du notariat demande au Conseil d'État :

1°) à titre principal, d'annuler pour excès de pouvoir la même ordonnance ;

2°) à titre subsidiaire, d'annuler pour excès de pouvoir, d'une part, les dispositions de l'article 3 de l'ordonnance en tant qu'elles insèrent les articles 31-4, 31-5, 31-6, 31-8, 31-9, 31-10, 31-11 et 31-12 dans la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 relative à l'exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou règlementaire ou dont le titre est protégé et aux sociétés de participations financières des professions libérales, d'autre part, les dispositions de l'article 4 de la même ordonnance, et, enfin, les dispositions de l'article 9 de cette même ordonnance ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



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4° Sous le n° 400290, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 31 mai et 22 juillet 2016 et le 29 mars 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, le Conseil national des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la même ordonnance ;

2°) de mettre à la charge de l'État une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


....................................................................................

5° Sous le n° 400332, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 1er juin et 1er septembre 2016 et le 19 juillet 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, la chambre interdépartementale des notaires de Paris demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la même ordonnance ;

2°) de mettre à la charge de l'État une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


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Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement 2015/848 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2015 ;
- la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006 ;
- le code de commerce ;
- le code de la propriété intellectuelle ;
- la loi du 20 avril 1810 ;
- l'ordonnance royale du 10 septembre 1817 ;
- l'ordonnance n° 45-1418 du 28 juin 1945 ;
- l'ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 ;
- l'ordonnance n° 45-2590 du 2 novembre 1945 ;
- l'ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945 ;
- l'ordonnance n° 45-2593 du 2 novembre 1945 ;
- la loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 ;
- la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ;
- la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 ;
- la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Didier Ribes, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Louis Dutheillet de Lamothe, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Hémery, Thomas-Raquin, Le Guerer, avocat de la Compagnie nationale des conseils en propriété industrielle et autre, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de l'Ordre des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation et autre, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat du Conseil national des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires et à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de la chambre interdépartementale des notaires de Paris.

Vu la note en délibéré, enregistrée le 22 mai 2019, présentée par le ministre de l'économie et des finances sous les nos 400192, 400208, 400267, 400290 et 400332.

Vu la note en délibéré, enregistrée le 23 mai 2019, présentée par le Conseil supérieur du notariat sous le n° 400267.




Considérant ce qui suit :

1. Le 2° de l'article 65 de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques a habilité le Gouvernement à prendre par ordonnance, conformément à l'article 38 de la Constitution, les mesures relevant du domaine de la loi pour " faciliter la création de sociétés ayant pour objet l'exercice en commun de plusieurs des professions d'avocat, d'avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, de commissaire-priseur judiciaire, d'huissier de justice, de notaire, d'administrateur judiciaire, de mandataire judiciaire, de conseil en propriété industrielle et d'expert-comptable : / a) Dans lesquelles la totalité du capital et des droits de vote est détenue, directement ou indirectement, par des personnes exerçant l'une des professions exercées en commun au sein de ladite société ou par des personnes légalement établies dans un État membre de l'Union européenne, dans un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou dans la Confédération suisse qui exercent en qualité de professionnel libéral, dans l'un de ces États, une activité soumise à un statut législatif ou réglementaire ou subordonnée à la possession d'une qualification nationale ou internationale reconnue et exerçant une ou plusieurs des professions constituant l'objet social de la société ; / b) Qui ne peuvent exercer une profession que si l'un de leurs associés remplit les conditions requises pour exercer ladite profession ; / c) En préservant les principes déontologiques applicables à chaque profession ; / d) En prenant en considération les incompatibilités et les risques de conflits d'intérêts propres à chaque profession ; / e) En préservant l'intégrité des missions des professionnels liées au statut d'officier public et ministériel dans l'accomplissement de leurs fonctions ; / f) En assurant la représentation d'au moins un membre, en exercice au sein de la société, de chaque profession exercée par la société au sein du conseil d'administration ou du conseil de surveillance de la société ". Sur le fondement de ces dispositions, le Gouvernement a pris l'ordonnance du 31 mars 2016 relative aux sociétés constituées pour l'exercice en commun de plusieurs professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé et dénommées sociétés pluri-professionnelles d'exercice. Les requêtes visées ci-dessus sont dirigées contre cette ordonnance. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

Sur l'intervention au soutien des conclusions de la requête n° 400208 :

2. La Conférence des bâtonniers justifie d'un intérêt suffisant à l'annulation de l'ordonnance attaquée. Ainsi, son intervention au soutien de la requête de l'Ordre des avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation est recevable.

Sur les conclusions à fin d'annulation de l'ordonnance attaquée :

En ce qui concerne la légalité externe de l'ordonnance :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 422-9 du code de la propriété intellectuelle : " Il est institué une compagnie nationale des conseils en propriété industrielle, organisme doté de la personnalité morale, placé auprès de l'Institut national de la propriété industrielle aux fins de représenter les conseils en propriété industrielle auprès des pouvoirs publics, de promouvoir l'accès à leurs prestations sur l'ensemble du territoire, de défendre leurs intérêts professionnels et de veiller au respect des règles de déontologie ".

4. Il ne résulte ni de l'article L. 422-9 du code de la propriété intellectuelle, ni d'aucune autre disposition que la Compagnie nationale des conseils en propriété industrielle devait être consultée préalablement à l'adoption de l'ordonnance attaquée. Ainsi, le moyen tiré du vice dont serait entachée la procédure d'adoption de cette ordonnance en raison du défaut de consultation préalable de la Compagnie nationale des conseils en propriété industrielle doit être écarté.

5. En deuxième lieu, contrairement à ce que soutient la chambre interdépartementale des notaires de Paris, aucun principe fondamental reconnu par les lois de la République ni aucun principe général du droit n'impose de consulter les ordres professionnels des officiers publics et ministériels sur les textes relatifs à l'exercice de leurs missions. Aucune disposition législative ou réglementaire n'imposait non plus que le Conseil supérieur du notariat, la Chambre nationale des commissaires-priseurs et la Chambre nationale des huissiers de justice soient consultés sur le projet d'ordonnance. Par suite, le moyen tiré du défaut de consultation...

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