Conseil d'État, 6ème - 5ème chambres réunies, 18/12/2019, 419897

Judgement Number419897
Date18 décembre 2019
Record NumberCETATEXT000039640704
CourtCouncil of State (France)

Vu les procédures suivantes :

1° Sous le n° 419897, par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 16 avril 2018 et 26 novembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Association pour la protection des animaux sauvages (ASPAS) demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 19 février 2018 du ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire et du ministre de l'agriculture et de l'alimentation fixant le nombre maximum de spécimens de loup (Canis lupus) dont la destruction pourra être autorisée chaque année ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



2° Sous le n° 420024, par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 20 avril 2018 et 5 mars 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association One Voice demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le même arrêté du 19 février 2018 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................


3° Sous le n° 420098, par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 23 avril 2018 et 26 novembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association France Nature Environnement, la Ligue pour la protection des oiseaux et l'association Humanité et biodiversité demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le même arrêté du 19 février 2018 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à chacune des associations requérantes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................


Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule ;
- la directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 ;
- le code de l'environnement ;
- l'arrêté du 19 février 2018 fixant les conditions et limites dans lesquelles des dérogations aux interdictions de destruction peuvent être accordées par les préfets concernant le loup (Canis lupus) ;
- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Airelle Niepce, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;



Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes, formées respectivement par l'Association pour la protection des animaux sauvages (ASPAS), l'association One Voice et l'association France Nature Environnement (FNE) et autres, tendent à l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 19 février 2018 fixant le nombre maximum de spécimens de loups (Canis lupus) dont la destruction pourra être autorisée chaque année. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

2. D'une part, l'article 12 de la directive 92/43/CEE du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvage, dite directive " Habitats " prévoit que : " 1. Les Etats membres prennent les mesures nécessaires pour instaurer un système de protection stricte des espèces animales figurant à l'annexe IV point a), dans leur aire de répartition naturelle, interdisant : a) toute forme de capture ou de mort intentionnelle de spécimens de ces espèces dans la nature ; b) la perturbation intentionnelle de ces espèces, notamment durant la période de reproduction et de dépendance (...) ". Le loup est au nombre des espèces figurant au point a) de l'annexe IV de la directive. L'article 16 de la même directive énonce toutefois que : " 1. A condition qu'il n'existe pas une autre solution satisfaisante et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle, les Etats membres peuvent déroger aux dispositions des article 12, 13, 14 et de l'article 15 points a) et b) : (...) b) pour prévenir des dommages importants notamment aux cultures, à l'élevage, aux forêts, aux pêcheries, aux eaux et à d'autres formes de propriété ".

3. D'autre part, aux termes du I de l'article L. 411-1 du code de l'environnement, pris pour la transposition de la directive " Habitats " : " Lorsqu'un intérêt scientifique particulier, le rôle essentiel dans l'écosystème ou les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation (...) d'espèces animales non domestiques (...) et de leurs habitats, sont interdits : 1° (...) la mutilation, la destruction, la capture ou l'enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d'animaux de ces espèces (...) ". Aux termes de l'article L. 411-2 du même code, pris pour la transposition de l'article 16 de la même directive : " Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions dans lesquelles sont fixées : 1° La liste limitative des habitats naturels, des espèces animales non domestiques (...) ainsi protégés ; 2° La durée et les modalités de mise en oeuvre des interdictions prises en application du I de l'article L. 411-1 ; 3° La partie du territoire sur laquelle elles s'appliquent (...) ; 4° La délivrance de dérogations aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 411-1, à condition qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante, pouvant être évaluée par une tierce expertise menée, à la demande de l'autorité compétente, par un organisme extérieur choisi en accord avec elle, aux frais du pétitionnaire, et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle : a) Dans l'intérêt de la protection de la faune et de la flore sauvages et de la conservation des habitats naturels ; / b) Pour prévenir des dommages importants notamment aux cultures, à l'élevage (...) et à d'autres formes de propriété ".

4. Enfin, pour l'application de ces dernières dispositions, l'article R. 411-1 du code de...

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