Conseil d'État, Assemblée, 13/05/2011, 316734, Publié au recueil Lebon

Record NumberCETATEXT000023996980
Judgement Number316734
Date13 mai 2011
CounselSCP RICHARD
CourtCouncil of State (France)
Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 2 juin et 1er septembre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Hadda A, demeurant ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement n° 0502427 du 13 décembre 2006 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du ministre de la défense du 23 mai 2005 rejetant sa demande de réversion de la pension militaire de retraite de son époux décédé le 12 février 1992, au paiement des arrérages en qualité de veuve depuis le mois de juillet 1992 et des arrérages pour son fils El Mustapha en qualité d'orphelin de la date du décès de son père jusqu'à la date de sa majorité, enfin à ce qu'il soit enjoint au ministre de la défense de procéder au versement de la pension de réversion dans un délai d'un mois suivant la date de la décision à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat, au profit de la SCP Richard, la somme de 3 000 euros en application des articles 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ;



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution et, notamment, ses articles 61-1 et 62 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le premier protocole additionnel à cette convention ;

Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

Vu la loi n° 59-1454 du 26 décembre 1959 de finances pour 1960 ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu la loi n° 2002-1576 du 30 décembre 2002 de finances rectificative pour 2002 ;

Vu la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 ;

Vu la décision n° 2010-1 QPC du 28 mai 2010 du Conseil constitutionnel ;

Vu la décision n° 2010-108 QPC du 25 mars 2011 du Conseil constitutionnel ;

Vu le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Christian Fournier, Maître des requêtes,

- les observations de la SCP Richard, avocat de Mme A,

- les conclusions de M. Edouard Geffray, rapporteur public,

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Richard, avocat de Mme A ;




Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A, ressortissant marocain ayant servi dans l'armée française du 14 janvier 1938 au 13 janvier 1953, a été admis par arrêté du 14 février 1953 au bénéfice d'une pension militaire de retraite, qui a été transformée en indemnité personnelle et viagère en application des dispositions de l'article 71 de la loi du 26 décembre 1959 de finances pour 1960 ; qu'il a épousé le 14 juin 1956 Mlle Hadda B, ressortissante marocaine ; que sept enfants sont nés de ce mariage ; que Mme A se pourvoit en cassation contre le jugement du 13 décembre 2006 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant, en premier lieu, à l'annulation de la décision du ministre de la défense du 23 mai 2005 rejetant sa demande de réversion de la pension militaire de retraite du chef de son époux décédé le 12 février 1992 avec paiement des arrérages depuis le mois de juillet 1992 et sa demande d'arrérages pour son fils El Mustapha, en qualité d'orphelin, de la date du décès de son père jusqu'à la date de sa majorité et, en second lieu, à ce qu'il soit enjoint au ministre de la défense, sous astreinte, de procéder au versement de la pension de réversion ;

Sur le jugement en tant qu'il statue sur le droit à pension de veuve de Mme A :

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 61-1 de la Constitution : " Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation. " ; qu'aux termes du deuxième alinéa de son article 62 : " Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause " ; qu'enfin, aux termes du troisième alinéa du même article : " Les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d'aucun recours. Elles s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles. " ;

Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article 62 de la Constitution qu'une disposition législative déclarée contraire à la Constitution sur le fondement de l'article 61-1 n'est pas annulée rétroactivement mais abrogée pour l'avenir à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision ; que, par sa décision n° 2010-108 QPC en date du 25 mars 2011, le Conseil constitutionnel a jugé que " si, en principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration " ;

Considérant que, lorsque le Conseil constitutionnel, après avoir abrogé une disposition déclarée inconstitutionnelle, use du pouvoir que lui confèrent les dispositions précitées, soit de déterminer lui-même les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause, soit de décider que le législateur aura à prévoir une application aux instances en cours des dispositions qu'il aura prises pour remédier à l'inconstitutionnalité constatée, il appartient au juge, saisi d'un litige relatif aux effets produits par la disposition déclarée inconstitutionnelle, de les remettre en cause en écartant, pour la solution de ce litige, le cas échéant d'office, cette disposition, dans les conditions et limites fixées par le Conseil constitutionnel ou le législateur ;

Considérant que, par sa décision n° 2010-1 QPC du 28 mai 2010, le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution les dispositions de l'article 68 de la loi du 30 décembre 2002 de finances rectificative pour 2002, à l'exception de celles de son paragraphe VII ; qu'il a jugé que : " afin de permettre au législateur de remédier à l'inconstitutionnalité constatée, l'abrogation des dispositions précitées prendra effet à compter du 1er janvier 2011 ; afin de préserver l'effet utile de la présente décision à la solution des instances actuellement en cours, il appartient, d'une part, aux juridictions de surseoir à statuer jusqu'au 1er janvier 2011 dans les instances dont l'issue dépend de l'application des dispositions déclarées inconstitutionnelles et, d'autre part, au législateur de prévoir une application des nouvelles dispositions à ces instances en cours à la date de la présente décision " ;

Considérant que, à la suite de cette décision, l'article 211 de la loi du 29 décembre 2010...

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