Conseil d'État, Juge des référés, 18/05/2020, 440442, Inédit au recueil Lebon

Date18 mai 2020
Record NumberCETATEXT000041897158
Judgement Number440442
CounselSCP BARADUC, DUHAMEL, RAMEIX
CourtCouncil of State (France)

Vu la procédure suivante :

L'association " La Quadrature du Net " et la Ligue des droits de l'homme ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de la décision du préfet de police ayant institué depuis le 18 mars 2020 un dispositif visant à capturer des images par drones et à les exploiter afin de faire respecter les mesures de confinement et d'enjoindre au préfet de police de cesser immédiatement, à compter du prononcé de l'ordonnance à intervenir, de capter des images par drones, de les enregistrer, de les transmettre ou de les exploiter, puis de détruire toute image déjà captée dans ce contexte, sous astreinte de 1 024 euros par jour de retard.
Par une ordonnance n° 2006861 du 5 mai 2020, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

1° Sous le n° 440442, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 6 et 14 mai 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association " La Quadrature du Net " demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de faire droit à ses demandes de première instance ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 096 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Elle soutient que :
- l'ordonnance attaquée est entachée d'une erreur de droit en ce qu'elle subordonne la caractérisation d'une atteinte au droit à la vie privée à la condition que le dispositif en cause caractérise un traitement de données personnelles ;
- elle est entachée d'une erreur de fait et d'une erreur de droit en ce qu'elle retient que le préfet de police ne peut être regardé comme ayant procédé à un traitement de données personnelles alors qu'il résultait de ses propres constatations que les caractéristiques techniques des drones en cause permettent l'identification d'un individu ;
- elle est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'il a été fait une application illégale de l'article 9 de l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;
- la condition d'urgence est remplie compte tenu de la gravité et du caractère manifestement illégal de l'atteinte portée par la préfecture au droit au respect de la vie privée et au droit à la protection des données personnelles dans l'utilisation des drones, de la circonstance que ce dispositif est actuellement en cours et du fait qu'il n'était pas matériellement possible de solliciter plus tôt une mesure d'urgence dès lors que cette pratique n'a été révélée que le 25 avril 2020 ;
- l'usage de drones survolant l'espace public, hors de tout cadre juridique, associé à un dispositif de captation d'images, constitue un traitement de données à caractère personnel illicite et, à tout le moins, une ingérence grave et manifestement illégale dans l'exercice du droit au respect de la vie privée et du droit à la protection des données personnelles ;
- l'absence de toute acte administratif explicite encadrant spécifiquement le dispositif en cause viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le I de l'article 31 de la loi informatique et libertés et l'article 6, paragraphe 3, du règlement général pour la protection des données ;
- l'absence de délai de conservation des données viole gravement et manifestement l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 5 du règlement général pour la protection des données, l'article 4 de la directive police-justice et les articles 4 et 87 de la loi informatique et libertés ;
- l'absence d'information des personnes concernées viole gravement et manifestement l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 14 du règlement général pour la protection des données, l'article 13 de la directive police-justice et les articles 48 et 104 de la loi informatique et libertés ;
- l'absence de garantie organisationnelle viole gravement et manifestement l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 25 du règlement général pour la protection des données et l'article 20 de la directive police-justice ;
- l'absence de proportionnalité du dispositif au regard des finalités poursuivies méconnaît les règles générales relatives au droit à la vie privée et les règles régissant les traitements de données à caractère personnel ;
- le préfet de police était incompétent pour adopter le dispositif en cause.



2° Sous le n° 440445, par une requête, enregistrée le 7 mai 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Ligue des droits de l'homme demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de faire droit à ses demandes de première instance ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Elle soutient que :
- la condition d'urgence est remplie dès lors que la mesure contestée, qui n'a été révélée par la presse que le 25 avril 2020 et devrait se poursuivre après le déconfinement, a vocation à préjudicier de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à sa situation ainsi qu'aux intérêts qu'elle entend défendre et emporte une atteinte grave, illégale, injustifiée et disproportionnée aux libertés fondamentales ;
- la décision du préfet de police porte une atteinte grave et manifestement...

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