Conseil d'État, Juge des référés, 09/06/2020, 440809, Inédit au recueil Lebon

Date09 juin 2020
Judgement Number440809
Record NumberCETATEXT000041989734
CounselSCP MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE
CourtCouncil of State (France)

Vu les procédures suivantes :

1° Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 25 mai et 3 juin 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat sous le n° 440809, la SA L'Olympique Lyonnais Groupe et la SASU L'Olympique Lyonnais demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution des décisions du 30 avril 2020 par lesquelles le conseil d'administration de la Ligue de football professionnel a mis fin à la saison 2019-2020 et enregistré le classement des championnats de Ligue 1 et de Ligue 2 sur la base d'un quotient tenant compte du nombre de points obtenus et du nombre de rencontres disputées par les équipes ;

2°) d'enjoindre à la Ligue de football professionnel de réexaminer les conditions permettant d'envisager une reprise des compétitions au mois d'août ou, à défaut, de faire de la saison 2019-2020 une " saison blanche ", dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de la Ligue de football professionnel la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Elles soutiennent que :
- elles justifient d'un intérêt à agir ;
- la condition d'urgence est remplie, dès lors que la décision d'arrêter définitivement les championnats en cours de saison et d'homologuer le classement au quotient préjudicie de manière grave et immédiate, en premier lieu, aux intérêts des clubs, notamment de l'Olympique Lyonnais, qui, d'une part, n'a pas pu améliorer son classement et se qualifier pour les compétitions européennes telles que la Ligue des Champions, débutant courant août 2020, et, d'autre part, doit supporter des pertes de recettes au titre de la Ligue 1, pour la saison 2019-2020, et des pertes de recettes au titre de sa participation aux compétitions européennes, pour la saison 2020-2021, et, en second lieu, à l'intérêt public tenant à l'équité et au bon déroulement des compétitions ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée ;
- elle est entachée d'incompétence, dès lors que seule l'assemblée générale de la Ligue de football professionnel était compétente pour procéder à une modification du format des championnats de Ligue 1 et de Ligue 2, et non son conseil d'administration ;
- elle est entachée de défaut d'impartialité, d'abus de position dominante et de détournement de pouvoir, compte tenu de la présence au sein du conseil d'administration de présidents de club ayant un intérêt à ce que soit prise la décision contestée et animés par la volonté de défavoriser l'Olympique lyonnais ;
- elle est entachée d'un vice de procédure, l'absence de délibération de l'assemblée générale ayant porté atteinte au principe du fonctionnement démocratique des instances sportives ;
- elle est entachée d'erreur de droit, la Ligue de football professionnel ayant méconnu sa propre compétence en matière de réglementation du football professionnel en se considérant, à tort, comme liée par les propos tenus par le Premier ministre et, indirectement, par ceux du président de la Fédération française de football, qui n'étaient pas compétents, dont les prises de position étaient dépourvues de toute valeur juridique et qui, en tout état de cause, ont commis une erreur de fait ;
- à la date à laquelle elle a été prise, l'interruption définitive des compétitions n'était impliquée nécessairement ni par les dispositions de la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19, qui a déclaré l'état d'urgence sanitaire pour une durée de deux mois, ni par les informations communiquées par le Premier ministre et la ministre des sports, qui n'ont jamais définitivement écarté la possibilité d'une reprise des compétitions à partir du mois d'août, sous une forme adaptée ; même en prenant en compte les éléments postérieurs au 30 avril 2020, la décision d'interrompre définitivement les championnats n'est pas davantage justifiée ;
- la décision contestée méconnaît les dispositions combinées de la loi d'urgence sanitaire et des grandes orientations fixées par le Premier ministre et la ministre des sports ;
- elle méconnaît les principes fixés par l'UEFA dans sa décision du 23 avril 2020, en tant qu'elle écarte toute possibilité de reprise des championnats, sans motif légitime et, en tout état de cause, sans justifier le choix de la méthode de classement au quotient, qui ne répond pas au principe de transparence et de non-discrimination ;
- elle méconnaît les dispositions combinées des articles 514, 518, 518 bis, 518 ter, 519, 521 et 523 du règlement des championnats professionnels en tant qu'elle arrête prématurément les championnats et modifie, en cours de saison, les règles permettant d'homologuer le classement, en méconnaissance des contrats conclus entre la Ligue de football professionnel et les clubs ;
- elle méconnaît le principe d'égalité entre les clubs, corollaire du principe de non-discrimination, rappelé par l'UEFA dans sa décision du 23 avril 2020, dès lors que, d'une part, en arrêtant le championnat de Ligue 1, elle fausse la concurrence entre les clubs de Ligue 1 et les clubs européens et viole les article 101 et 106 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et, d'autre part, en retenant la méthode du classement au quotient, elle applique des règles identiques à des ligues et à des clubs qui sont placés dans des situations différentes, alors qu'il existe d'autres méthodes, plus objectives, fondées sur le mérite sportif ;
- elle méconnaît l'objectif de garantie d'équité et d'intégrité des compétitions sportives, en tant qu'elle modifie rétroactivement les règles applicables aux championnats en cours de saison, alors que l'équité sportive impliquait soit la reprise des compétitions, soit la décision de déclarer une " saison blanche " ;
- elle est dépourvue de base légale, dès lors que la force majeure, sur laquelle elle se fonde, n'est qu'une cause exonératoire de responsabilité et n'est, en tout état de cause, pas établie.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 juin 2020, la Ligue de football professionnel conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Olympique Lyonnais la somme de 8 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que l'Olympique Lyonnais est dépourvu de tout intérêt à demander la suspension de la décision contestée en tant qu'elle met fin de manière anticipée au championnat de Ligue 2 et arrête le classement de celui-ci, que la condition d'urgence n'est pas remplie, que les moyens dirigés contre l'arrêt définitif du championnat de Ligue 1 sont inopérants, compte tenu des dispositions de l'article L. 222-2-4 du code du sport et de la situation de compétence liée dans laquelle se trouvait la Ligue, et, en tout état de cause, non fondés, de même que les autres moyens soulevés par les requérants.

Par un mémoire, enregistré le 3 juin 2020, la Fédération française de football déclare s'associer aux écritures de la Ligue de football professionnel.

La requête a été communiquée au Premier ministre, au ministre de la santé et de la solidarité et au ministre des sports, qui n'ont pas produit d'observations.


2° Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 25 mai et 4 juin 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société anonyme sportive professionnelle (SASP) Toulouse Football Club demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution des décisions du 30 avril 2020 par lesquelles le conseil d'administration de la Ligue de football professionnel a prévu l'établissement d'un classement final du championnat de Ligue 1 de la saison 2019-2020 avant le terme de la compétition, sur la base d'un indice de performance correspondant au quotient issu du rapport entre le nombre de points obtenus et le nombre de matchs joués, modifié les règles de relégation de la Ligue 1 vers la Ligue 2 applicables à la saison 2019-2020, enregistré le classement définitif du championnat de Ligue 1 établi selon cette méthode et prononcé la relégation en Ligue 2 du Toulouse Football Club ;

2°) de mettre à la charge de la Ligue de football professionnel la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Elle soutient que :
- sa requête n'est pas manifestement insusceptible de ressortir à la compétence du Conseil d'Etat en premier ressort ;
- la condition d'urgence est remplie dès lors que, d'une part, la Ligue de football professionnel a émis le souhait que le prochain championnat commence le 23 août 2020 et, d'autre part, l'exécution des décisions contestées préjudicie de manière grave et immédiate aux intérêts du Toulouse Football Club, sur le plan financier et sur le plan social, et à l'intérêt public tenant à l'équité et au bon déroulement des compétitions ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité des décisions attaquées ;
- la modification, en cours de compétition, du règlement des championnats de France professionnels ne relève pas du pouvoir règlementaire reconnu à la Ligue de football professionnel mais aurait dû être préalablement autorisée par la loi ;
- en toute hypothèse, les décisions contestées méconnaissent les principes d'équité sportive et d'intégrité des compétitions, en ce qu'elles modifient, en cours de compétition, le règlement des championnats de France professionnels ;
- elles sont dépourvues de base légale, dès lors qu'elles arrêtent un classement définitif du championnat de Ligue 1 et prononcent la relégation du Toulouse Football Club en Ligue 2 à une date à laquelle, faute de publication, les dispositions modifiant le règlement des championnats de France professionnels n'étaient pas encore entrées en...

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